Les opposants à l’autoroute A69 entre Castres et Toulouse ne désarment pas. Sur le terrain judiciaire d’abord, organisations, syndicats et associations, dont France Nature Environnement, les Amis de la Terre ou encore la Confédération paysanne, solidaires du collectif La Voie est libre, maintiennent la pression. Ils viennent de faire appel devant le Conseil d’État de la décision prononcée le 2 août dernier par le tribunal administratif de Toulouse. La juridiction, saisie dans le cadre d’une procédure d’urgence, le référé-suspension, avait en effet rejeté leur demande d’interruption du chantier. Pour les juges, aucun des arguments donnés par les anti-A69 et leur avocate, Me Alice Terrasse, n’a été « de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté » par lequel les préfets du Tarn et de Haute-Garonne ont délivré au concessionnaire Atosca son autorisation environnementale pour démarrer les travaux.
La démonstration des opposants sur l’absence de « raison impérative d’intérêt public majeur » dans ce dossier et donc sur « l’illégalité » de cette même autorisation n’a pas été retenue. Les juges des référés ont estimé au contraire que « le gain de temps d’environ 20 minutes », l’« effet positif sur la sécurité routière » ou encore « le rééquilibrage territorial attendu » entre le bassin de Castres-Mazamet et Toulouse justifiaient l’autoroute et les dérogations à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées qui lui ont été accordées. Cette question devra être tranchée « sur le fond » par la justice administrative mais elle ne le sera pas avant plusieurs mois, voire années, d’où la demande renouvelée par les opposants d’un moratoire pour « éviter des dégâts irréversibles » sur l’environnement.
Une véloroute de 62km
Sans attendre la prochaine étape de ce bras de fer judiciaire avec l’État et Atosca, le collectif La Voie est libre a présenté fin août un projet alternatif à l’A69. Baptisé « Une autre voie », il a été pensé par l’urbaniste et paysagiste Karim Lahiani. Ce natif de Toulouse aux racines tarnaises a rejoint le combat du collectif contre cette autoroute qu’il juge « absurde et écocide ». Reprenant le scénario défendu depuis plusieurs années par les opposants, il plaide pour un réaménagement ponctuel de l’actuelle RN126 entre Toulouse et Castres. Le traitement de certains carrefours, quelques voies de dépassement supplémentaires permettraient selon lui de sécuriser « la route de (son) enfance ».
La nouveauté réside surtout dans sa proposition de créer la première « véloroute nationale » de 62km entre Gragnague et Castres dans un premier temps, prolongée plus tard jusqu’à Toulouse et Mazamet. Construite sur l’emprise des 366 hectares de terres qui ont fait l’objet d’une expropriation pour les besoins de l’autoroute, elle pourrait être empruntée à la fois pour des cours trajets entre villages et pour du cyclotourisme.
Bocages et vergers
Pour les déplacements plus longs, l’urbaniste plaide pour davantage de liaisons bus et train entre Toulouse et Castres et pour la création de cinq gares supplémentaires « sur le modèle de la gare du Cauquilloux, entre Lavaur et Saint-Sulpice ». « Un quai, une borne, des voies de dégagements pour que les trains longs puissent doubler les trains courts, on n’a pas besoin de plus », estime Karim Lahiani. Ces « mobilités soutenables » permettraient selon l’urbaniste de réduire de 25 % le trafic routier d’ici 2030. Le long de l’actuelle nationale et de la véloroute – chiffrée à 30 millions d’euros contre 450 pour l’autoroute – il imagine une replantation à grande échelle de bocages, d’espaces boisés « en libre évolution », de vergers communaux et de « démonstrateurs » d’une agriculture bio et locale.
Avec ce projet d’aménagement « offert » aux collectivités et aux acteurs publics, le collectif La Voie est libre espère-t-il vraiment convaincre le ministre des Transports Clément Beaune ou la présidente socialiste de la Région Occitanie, Carole Delga qu’une « autre voie est possible » ? « On peut trouver ce projet utopique mais il ne l’est pas plus que l’A69 qui se présente comme une autoroute écologique », répond le collectif.
Johanna Decorse
Sur la photo : L’urbaniste toulousain Karim Lahiani lors de la présentation de son projet alternatif à l’autoroute A69 le 29 août dernier au cinéma Utopia Borderouge.
Depuis plusieurs mois, le campement de Vendine est un lieu de rassemblement pour les opposants. Crédits : Rémy Gabalda -ToulÉco.
100 millions d’euros d’investissement public
L’urbaniste toulousain Karim Lahiani chiffre à 100 millions d’euros l’investissement public nécessaire pour financer ce projet alternatif à l’A69. Il passerait par la création d’une société d’économie mixte, aménageur de la véloroute, dans laquelle les collectivités territoriales pourraient détenir 85 % du capital. Les 15 % restants seraient aux mains de sept coopératives, gestionnaires de sept équipements structurants, neufs ou à rénover, installés de long de la véloroute. Une Centrale de fertilités à Gragnague pour remplacer l’usine d’enrobés, une Cité du vélo à Castres dans un ancien site textile ou encore une base aérienne et météorologique sur la commune de Bourg-Saint-Bernard, existent déjà sur le papier. Karim Lahiani estime que 1000 emplois directs pourraient découler de son projet d’aménagement dont 450 liés aux nouvelles filières artisanales, dont une filière vélo made in France, et 200 de l’écotourisme.
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