Il est très facile, quand on est expatrié, de relever tout ce qui va mal dans son pays d’origine et tout ce qui est mieux “ici”. C’est facile parce que cela saute aux yeux… Au début, on se dit que c’est principalement lié à la nouveauté. Pourtant, après quelques mois, il reste des différences que l’on ne s’explique pas tout en se remémorant ce que notre pays d’origine peut avoir de meilleur.

Quand je suis parti de France, on ne pouvait pas ouvrir un journal sans voir que le pouvoir d’achat était en recul net, sur l’ensemble des classes de la population, y compris les plus riches (si, si, je vous assure !). Bien-sûr, plus on descendait le long de l’échelle sociale et plus cela devenait perturbant au quotidien, jusqu’à devenir insupportable pour les classes les moins aisées de la population. Quand on y regarde de plus près, c’est vrai… et quand on y regarde d’encore plus près, c’est même à se demander comment font les Français ayant les revenus les plus bas pour les besoins de base comme se loger, se nourrir, éduquer les enfants… simplement, vivre en fait.
Depuis que nous sommes aux Etats-Unis, je dois avouer que je doute un peu. Ici, vous devez payer pour tout, tout le temps… mais, paradoxalement, ce n’est pas si difficile qu’il n’y parait.
Vous mettez vos enfants à l’école ? Pas de soucis, une école privée coûte dans les 100$ par semaine et par enfant, plus quelques "à-cotés" pour peu que vous n’en preniez pas une trop haut-de-gamme. C’est énorme, mais il existe des écoles publiques si c’est vraiment nécessaire. Elles sont généralement moins bien mais vos enfants auront accès à l’éducation aussi pour quasiment rien.
Vous voulez nourrir votre famille ? Avec quelques dollars, vous trouvez un plat pour tout le monde. Bien-sûr, le boeuf est aux hormones de croissance et les légumes, même non Organic (c’est à dire Bio), coûtent plus cher que les frites… mais vous mangez, chaque jour et à votre faim.
Il vous faut une voiture ? C’est ici indispensable mais cela coûte beaucoup moins cher qu’en France ou en Europe (entre 20 et 40% moins cher suivant les modèles et les marques). C’est vrai à l’achat, mais c’est aussi vrai à l’entretien, et notamment l’essence (sans commune mesure !).
Il manque un élément important : Vous loger. Vous avez 50 000 $ (soit environ 35000 euros) devant vous ? C’est suffisant pour acheter une petite maisonnette dans un quartier pas très chic. Cette maisonnette tient plus du grand Mobil Home que de l’hôtel particulier, mais vous êtes chez vous, avec un toit et une adresse. Si vous avez 200 000$ de coté (ou que vous vous faites financer… dans des conditions normales), vous avez carrément une maison avec 3 chambres et 3 salles de bain, au milieu d’un petit jardin.
Je vais arrêter là car la liste serait trop longue, mais non sans avoir évoqué la santé. Leur système est catastrophique et d’une inégalité impitoyable. Toutefois, il est possible de se soigner et de se couvrir à peu près normalement. Cela demande une très bonne connaissance du système et quelques précautions en matière d’assurances. C’est, sur ce point, clairement plus cher que chez nous et je dois avouer que nous disposons d’un système de santé qui est vraiment bien en comparaison, malgré toutes les difficultés qu’il rencontre aujourd’hui.
Arrivé à ce point, je me pose une question qui est pour l’instant, sans réponse : Comment un bas salaire peut-il s’en sortir ici sur les besoins de base alors que “nos pauvres”, eux, n’ont aucune chance de joindre les deux bouts ?
Nous sommes devant deux pays développés ayant une culture finalement assez proche (même si l’état d’esprit est très différente). Sommes-nous plus idiots ou moins créatifs que nos amis Américains ? Je ne crois pas, non. Sommes-nous moins travailleurs ou moins entrepreneurs (dans l’esprit) ? C’est possible, mais sûrement pas autant qu’on ne le pense ou que tout le monde le dit…
Bien-sûr, leur flexibilité est un atout extraordinaire. Ils peuvent licencier quelqu’un du jour au lendemain, mais c’est l’une des raisons pour lesquelles ils embauchent aussi facilement. Certains jeunes ont deux ou 3 jobs en parallèle, à mettre en perspective avec nos jeunes que nous n’arrivons pas à faire travailler du tout. Les charges sociales qui pèsent sur l’entreprise sont très basses mais cela n’empêche pas, même aujourd’hui, le pays d’avoir une puissance financière phénoménale et surtout, cela amène les entreprises à proposer des salaires “décents”… simplement parce que cela devient possible.
Bien-sûr, si vous êtes à la rue, vous n’avez rien d’autre que la solidarité de vos compatriotes… mais celle-ci est réelle, individuelle ou au travers d’associations très actives... Malgré notre système social pourtant si redistributif, il y a, en proportion, moins de personnes en dessous du seuil de pauvreté aux Etats-Unis qu’en... France !
Le pays idéal n’existe pas ou du moins, je ne l’ai pas encore trouvé et ce n’est vraiment pas les Etats-Unis. Je me suis pris à rêver que la France en prenne le meilleur tout en conservant sa culture, sa créativité et cette forme de diversité plus ou moins intégrée… mais il y a dans cette idée même une forme d’incompatibilité profonde. Je vois de temps en temps mon pays empêtré dans des problèmes qu’il se fabrique tout seul, dans des combats d’un autre temps et dans des luttes de clochers stupides et stériles qui sont loin d’avoir le charme des derbys d’Ovalie.
Plus grave, surtout, il n’y a plus aucune unité nationale, plus aucune envie d’avancer ensemble. Il reste simplement une sorte de lutte entre les riches et les pauvres, les fonctionnaires et les salariés, les banquiers et les entrepreneurs, ceux qui travaillent et ce qui ne travaillent plus ou pas encore, les cons de droite et les cons de gauche, les jeunes et les vieux… et tous oublient qu’ils sont potentiellement des anciens ou des futurs de la classe d’en face.
Je comprend qu’une personne qui ne travaille pas rencontre des difficultés et que nous ayons besoin de trouver des solutions à ces situations… mais je ne peux pas accepter que le pouvoir d’achat de gens qui travaillent dur chaque jour ne soit même plus suffisant pour loger et nourrir leur famille. En fait, ce n’est pas que je ne peux pas l’accepter, c’est juste que cela n’a pas le moindre sens… ni au présent, ni dans la durée. Bref, la France est-elle à la dérive ?
On peut retrouver ses notes via Twitter (http://twitter.com/pocarles) ou sur son blog :http://www.pocarles.com.
Verbatim :
« Je vois de temps en temps mon pays empêtré dans des problèmes qu’il se fabrique tout seul, dans des combats d’un autre temps et dans des luttes de clochers stupides et stériles qui sont loin d’avoir le charme des derbys d’Ovalie. »
Pierre Olivier Carles, depuis Miami.
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