« Pour s’habiller lorsqu’on habite à Gavarnie, on n’a pas vraiment le choix que de commander ! », constate, amusée, Victoire Caussieu Pratdessus. Mais lorsque le vêtement ne va pas à son porteur, il est renvoyé : des retours qui pèsent lourd sur le bénéfice des marques autant que sur leur empreinte carbone. Lorsque la jeune femme, après des études à l’Essec et une expérience chez Deloitte, revient dans ses Pyrénées natales, elle prend conscience de cette aberration économique et écologique ; convaincue que l’essayage virtuel peut contribuer à résorber le problème, elle fonde StyleNexus8 en 2024.
Lauréate du French Tech Tremplin, la jeune pousse est incubée au sein d’Inco Plex à Toulouse, en partenariat avec Bpifrance. En pleine phase de tests, elle emploie déjà cinq personnes et s’apprête à démarrer la commercialisation en janvier. « On espère avoir une dizaine de clients à la fin du premier semestre 2026 », indique Victoire Caussieu Pratdessus. Elle cible en priorité des marques de prêt-à-porter ou de luxe, « françaises et attachées aux valeurs écologiques ».
L’intelligence artificielle au service de la mode
« L’objectif premier, c’est d’aider les personnes qui ne peuvent pas ou ne souhaitent pas se déplacer », indique l’entrepreneure. « Notre IA crée un filtre avec le vêtement, un peu comme sur Snapchat. Nous l’intégrons ensuite sur le site de la marque », détaille-t-elle. L’acheteur qui souhaite essayer virtuellement un habit le verra s’afficher directement sur lui grâce à la caméra de son ordinateur ou téléphone. « Cela ne veut pas dire que le vêtement lui ira, l’algorithme ne gère pas encore la taille. Mais il permet de s’imaginer le porter, de voir si la couleur convient, de visualiser le style de la tenue. »
À l’exception de la lingerie, compliquée à déployer de manière éthique et sécurisée puisqu’elle implique un déshabillage de l’essayeur, tous types de vêtements sont pris en charge, des manteaux aux chaussures en passant par les pantalons et pulls. Les robes sont en cours de mise au point. « L’IA, c’est comme un bébé, il faut tout lui apprendre. Il a fallu lui montrer 45.000 t-shirts pour qu’elle comprenne comment les positionner correctement », raconte Victoire Pratdessus.
101 femmes à Matignon
L’essayage virtuel est un « très gros marché ». « Potentiellement, on estime qu’il peut réduire d’un quart les retours et générer jusqu’à 40 % de chiffre d’affaires en plus pour les marques », indique la jeune femme. Un filon qui laisse entrevoir de belles perspectives à sa petite entreprise, déjà lauréate d’une prestigieuse distinction : dans le cadre du programme 101 femmes entrepreneures à Matignon, la créatrice bigourdane a été reçue par le Premier ministre (alors François Bayrou) pour représenter fièrement son département des Hautes-Pyrénées.
Une expérience qui dépasse de loin la simple reconnaissance. « Non seulement nous avons été primées au plus haut sommet de l’État et rencontré des personnes hyper intéressantes, mais ça continue ! Nous avons créé une communauté soudée, nous sommes invitées à des événements d’entrepreneuriat très privés. On nous a offert un réseau », conclut-elle.
Marie-Dominique Lacour
Sur la photo : Victoire Caussieu Pratdessus, qui a imaginé StyleNexus8. Crédit : Hélène Ressayres - ToulÉco.