Bloquons tout. À Toulouse, des ronds-points au cortège, une colère protéiforme

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Si les blocages attendus dans la matinée ont eu des conséquences limitées, la première journée de mobilisation du mouvement social « Bloquons Tout », né en ligne contre la politique gouvernementale, a été marquée à Toulouse par une manifestation assez suivie l’après-midi avec entre 13.000 et 30.000 manifestants selon la police et les organisateurs. ToulÉco est parti à la rencontre des personnes mobilisées pour connaître leurs motivations.

14h00, les allées Jean-Jaurès se remplissent doucement mais sûrement. Malgré sa petite taille, on repère une volubile quinquagénaire aux cheveux courts, au milieu de la foule. Grâce à sa pancarte plutôt grande avec un rébus très peu amène vis-à-vis d’Emmanuel Macron [1] mais aussi grâce à son gilet jaune. « Il faut rendre hommage aux gilets jaunes qui se sont les premiers rebellés contre Macron en 2018. Aujourd’hui, il faut qu’on fasse un peu pareil. Il faut agir sans les syndicats, qui nous ont complètement lâchés lors du mouvement contre la réforme des retraites en 2023. Ils ont trop vite abandonné la bataille. Heureusement qu’il y avait pas mal de jeunes pour sauver l’honneur. J’ai l’impression qu’il n’y a pas assez de monde dans la rue aujourd’hui. Il ne faudra pas se plaindre quand les fachos vont prendre le pouvoir ! », lance avec force, Sophie, cadre à l’Agence régionale de santé.

À quelques mètres, deux travailleuses de la CGT Organismes sociaux, venues de Cahors, ne partagent pas tout à fait son analyse. « Bloquons Tout et mouvements syndicaux peuvent fonctionner ensemble. Les syndicats ne sont pas à l’origine du mouvement mais on doit l’accompagner. La journée syndicale du 18 septembre, c’est bien mais, pour nous, il fallait être là dès aujourd’hui », estime ainsi Karine. « La proposition de supprimer deux jours fériés ainsi que la remise en cause de la cinquième semaine de congés, pour nous, ce sont les provocations de trop. On est prêtes à partir dans un mouvement de grève reconductible », confie sa collègue Axelle, elle aussi vêtue d’un gilet rouge siglé CGT.

Cinq minutes plus tard, on rencontre Aoda. Étudiante matiériste-coloriste en alternance à Albi, elle s’inquiète de son côté pour le devenir du secteur de la culture. « Le nouveau budget va fragiliser encore plus la culture. Le risque, c’est de voir disparaître des lieux culturels. Or, c’est là où on peut vraiment se retrouver et penser des alternatives. Le risque, c’est de devenir peu à peu des moutons bien obéissants », s’alarme la jeune femme.

A voir aussi : A Toulouse, « Bloquons Tout » : la manifestation en images

Pour certains, cette manifestation du 10 septembre est une première fois. « J’ai trente-cinq ans et c’est la première fois que je revendique dans la rue. Mais là, on se sent vraiment attaqués de toute part par le gouvernement. On a l’impression que nos acquis sociaux vont vraiment être grignotés. Là, je ne pouvais pas rester chez moi », confie Marie, qui travaille dans l’administratif et va manifester avec un de ses amis.

Michel, lui, ne foule pas le pavé pour la première fois. Le retraité d’Airbus est en pleine discussion avec un jeune d’une vingtaine d’années « Ce qui semble nous réunir, c’est le rejet de ce budget qui symbolise parfaitement la logique austéritaire de ce gouvernement », résume le sexagénaire.

À 14h35, la manifestation s’élance sans heurts malgré son ampleur : entre 13.000 et 30.000 manifestants selon la police et les organisateurs. Sur les pancartes, déjà des évocations du nouveau Premier ministre rebaptisé à plusieurs reprises « Sébastien Lecornul ». Dans les chants entonnés, par contre, c’est Emmanuel Macron qui est le plus visé avec un “Macron Démission” qui semble un mot d’ordre des plus populaires auprès des manifestants. Changement d’ambiance vers 16h30 avec de premiers jets de gaz lacrymogène

Sur les ronds-points, une même indignation

Petit flash-back. Neuf heures plus tôt, certains étaient déjà mobilisés. Laëtitia, sous couvert d’anonymat, s’est levée tôt mercredi matin. À 7h30, vêtue d’une blouse blanche sur laquelle est écrit "psy en lutte" et d’un masque chirurgical qui recouvre la moitié de son visage, elle a rejoint un rond-point de la longue avenue Édouard-Belin, l’un des lieux de blocage toulousains. Cette interne en médecine, rattachée au CHU de Toulouse, veut « profiter du mouvement général pour changer les choses ». « J’ai passé six mois aux urgences psychiatriques adultes, à l’hôpital Purpan, et je peux dire qu’il manque du personnel et de la place. Certains malades ont besoin de soins le plus tôt possible », explique cette étudiante en psychiatrie originaire de la région parisienne.

En tout, une soixantaine de personnes se sont rassemblées dans le calme entre l’École nationale de l’aviation civile (Enac) et le Cnes avant de se disperser vers dix heures. Parmi elles, Olivier Martin, responsable de la section locale de la CGT au Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) de Toulouse. « On en a ras le bol de la politique sociale et économique de Macron. Les services publics sont à l’os, les riches sont de plus en plus riches et la France compte 10 millions de personnes sous le seuil de pauvreté », s’indigne-t-il. « On n’en veut plus. »

À dix minutes de là, devant les grilles de l’entrée de l’université de Toulouse, une vingtaine de personnes se sont regroupées tôt le matin. Lisa Medanie, étudiante en L2 mathématiques générales, a rallié le mouvement une fois son cours terminé pour distribuer des tracts. « Je veux montrer que les jeunes s’intéressent à la contestation », explique l’étudiante, dont le papa est secrétaire FO de l’Aude. Plus haut, un petit attroupement d’une dizaine de personnes empêche les voitures de rouler, route de Narbonne. Peu avant 11 heures, les forces de l’ordre sont intervenues pour interpeller deux jeunes personnes.
Ailleurs, à l’aube, à Jolimont ou avenue Eisehwer, des affrontements entre les manifestants et la police ont éclaté. En tout, 61 personnes ont été interpellées.
Audrey Sommazi et Matthias Hardoy

Sur les photos : Images et visages de la mobilisation « Bloquons Tout » du 10 septembre. Crédit : Rémy Gabalda - ToulÉco.

Notes

[1« Macron, on en a plein le cul » !

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Source : https://www.touleco.fr/Bloquons-tout-A-Toulouse-des-ronds-points-au-cortege-une-colere,48128