Après un début de carrière dans l’aéronautique et beaucoup de petits plats mitonnés à la maison, Soël Maincent et son ancienne colocataire Camille Magre, tous deux ingénieurs de formation, ont créé Bocalenvers en 2022. « La cuisine, c’était le fondement de notre projet, mais on voulait surtout avoir un impact social et environnemental. » Bocalenvers, qui fonctionne sous le statut d’une association à but non-lucratif, est donc à la fois une structure d’insertion professionnelle par la cuisine et une filière de revente en circuit court de fruits et légumes invendus. Installée quartier Soupetard, dans les locaux de l’ancienne direction régionale de l’opérateur Orange, l’association utilise notamment les anciennes cuisines du groupe. Le lieu est piloté par la Scop Intercalaire, spécialisée dans l’urbanisme transitoire, qui héberge ici une soixantaine d’associations.
10 tonnes par an de fruits et légumes sauvés de la poubelle
Surplus de production, légumes moches ou fruits déclassés… Bocalenvers récupère les invendus et sauve ainsi de la poubelle, chaque année, 10 tonnes de marchandises, puis les met en conserve sous forme de sauces, compotes et autre chutneys et, enfin, les revend en circuit court. « Tout cela a été possible grâce à un gros travail de sourcing. Aujourd’hui, nous avons une trentaine de fournisseurs et donateurs, essentiellement des producteurs et la banque alimentaire, et plus d’une centaine de clients revendeurs », décline Soël Maincent, qui vend ses bocaux en épiceries locales et solidaires, dans des commerces de bouche (fromagers, épiciers), chez des cavistes, auprès de comités d’entreprises et dans une quarantaine d’hôtels. « Nous souhaitons évidemment rester en circuit court, et donc vendre à proximité de Toulouse et dans les départements limitrophes. Deux agents commerciaux prospectent pour nous en Ariège et dans l’Aude. »
L’envers du bocal : l’aide à la réinsertion
Si les conserves de la marque sont si identifiables par leur étiquette collée à l’envers, ce n’est pas uniquement pour attirer l’œil des clients sur les rayonnages. « C’est en référence à l’envers du décor », pointe Maud, l’encadrante technique qui, en cuisine, initie les salariés en insertion à tous les aspects du métier d’agent polyvalent de cuisine, de la mise au point des recettes en passant par les techniques de conservation, la préparation des commandes et jusqu’à la livraison… En effet, Bocalenvers accueille en moyenne trente personnes par an en situation de précarité ou de handicap complexe et fonctionne avec cinq à six salariés dont deux ou trois en insertion.
« Je les accompagne en cuisine dans la perspective de les aider à se former, et de valider s’ils ont des affinités ou pas avec le monde de la cuisine », décrit Maud. Ce matin-là, Diego, salarié en insertion depuis juin 2025, s’affaire avec une recette de purée de carottes rôties aux céleris. « Mais finalement, je ne veux pas faire de la cuisine mon métier », dit-il. « Ce qui me plaît, c’est la gestion et la préparation des commandes et, grâce à Bocalenvers, j’envisage de me former pour devenir cariste d’entrepôt. » Le modèle Bocalenvers, qui réalise la majorité de son chiffre d’affaires - 70.000 euros en 2024 - en BtoB, est hybride. L’association réinvestit tous ses bénéfices dans son développement, mais elle dépend aussi fortement des subventions. Soutenue à hauteur de 10.000 euros, dès sa création, par le fonds d’innovation sociale du Conseil département de Haute-Garonne, elle a de nouveau été mise à l’honneur cette année par le programme solidaire du TéFéCé, Toulouse Football Cœur.
Béatrice Girard
Sur la photo : Soël Maincent, cofondateur de Bocalenvers. Crédit : Hélène Ressayres-ToulÉco.
