Clelia Oliva, Terratis : « Nous espérons produire 100 millions de moustiques-tigres par semaine »

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Rencontre avec Clelia Oliva, présidente-fondatrice de Terratis. La start-up, qui a inauguré cette année un nouveau site industriel de 200 mètres carrés dans la zone de Parc 2000, à Montpellier, est la première en France à travailler sur la technique de l’insecte stérile à destination des moustiques-tigres. La cheffe d’entreprise de 40 ans a récemment levé 1,5 million d’euros pour accélérer l’industrialisation de son entreprise.

Comment est née cette idée peu commune d’une solution pour éradiquer les moustiques ?
L’objectif, au départ, était d’avoir une solution contre des moustiques qui sont porteurs de maladies. Il fallait que cette solution soit écologique. C’est pour cette raison que j’ai continué mes recherches pendant une quinzaine d’années après mon doctorat en entomologie. Puis, j’ai voulu aller au-delà du laboratoire, avec cette idée que cette technique de l’insecte stérile devait être utilisée en France. Terratis vise les moustiques- tigres, mais nos solutions pourraient très bien s’adapter à des insectes ravageurs agricoles. Je me suis lancée en 2022. Le temps de réunir les bases du projet, l’entreprise est née en janvier 2024.

Pourquoi miser sur la technique de l’insecte stérile (TIS) ?
Il existe d’autres techniques. Certains utilisent des phéromones : ça fonctionne bien comme alternative aux pesticides en empêchant mâles et femelles de se rencontrer. L’avantage de la TIS, c’est de jouer réellement sur la reproduction. On empêche une descendance. Il n’y a aucune résistance possible, et il y a vraiment une efficacité sur le long terme : 70 % de population en moins la première année sur une zone traitée, 90 %
en moins la deuxième année.

Où en êtes-vous du développement et de l’industrialisation de votre solution ?
Je dirais que nous sommes dans la phase pré-industrielle. Sur notre site pilote, ici, à Montpellier, nous avons 200 mètres carrés où nous sommes déjà à l’échelle pré-industrielle. On travaille sur le fait de produire plus dans un espace contraint, sur l’automatisation de certaines étapes de l’élevage. Avec notre solution, nous pouvons couvrir des zones allant de 120 à 150 hectares. Nous visons 1000 à 2000 hectares avec ce site. Il s’agit d’une phase intermédiaire avant la création d’une usine. Aujourd’hui, nous lâchons 400.000 moustiques stériles par semaine à Brive-la- Gaillarde (Corrèze), et nous allons, à la fin de cet été, commencer à Montpellier une phase préparatoire pour l’année prochaine.

Lors de l’inauguration de votre usine, fin juin, vous aviez dit, en souriant, qu’elle était déjà trop petite pour Terratis. Quels sont les projets pour votre start-up dans les années à venir ? En 2028, j’espère avoir cette usine de 3000 mètres carrés opérationnelle dans un périmètre proche de Montpellier. Cela nous permettra de répondre à une plus grande clientèle en produisant, au maximum, 100 millions de moustiques par semaine. Nous pourrions également travailler sur un développement de notre solution envers d’autres insectes. Je pense aux mouches des fruits qui ravagent les cultures par exemple. Notre site de 200 mètres carrés restera actif pour la recherche et le développement sur d’autres insectes, et l’usine servira pour l’opérationnel.

Quel marché visez-vous ?

Nous sommes sollicités aux quatre coins de France, il nous reste à trouver des moyens de produire suffisamment de moustiques, et de les acheminer à bon port. J’avais évoqué un transport par la SNCF lors de l’inauguration de l’usine fin juin, ce pourrait être une solution.

Et si, un jour, Terratis parvient à éradiquer le moustique tigre, que
deviendrez-vous ?

En réalité, nous ne pourrons pas éradiquer tous les moustiques-tigres du territoire français : c’est trop tard. Il aurait fallu agir il y a dix ou quinze ans. Avec une usine qui produit 100 millions d’insectes, on pourra arriver à le faire au mieux sur 20.000 hectares. C’est bien peu comparé à la surface de l’Hexagone. Ce serait possible si la France était une île isolée. Notre idée est plutôt de maintenir la population de moustiques à son plus bas niveau localement, voire de l’éradiquer dans certains quartiers.
Propos recueillis par Jules Mestre

Sur les photos :

* Clelia Oliva, présidente fondatrice de Terratis. Elle contrôle la qualité des larves en salle d’élevage massif.

*L’équipe de production nourrit les larves.

*Clelia Oliva et son équipe procèdent au contrôle qualité des oeufs de moustiques-tigres.

*Terratis vérifie la qualité et les éventuelles dysmorphies des oeufs à la loupe binoculaire.

Crédit : Hélène Ressayres-ToulÉco.

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Source : https://www.touleco.fr/Clelia-Oliva-Terratis-Nous-esperons-produire-100-millions-de,49165