Lors d’un contrôle fiscal, « celui qui est de bonne foi n’a pas d’inquiétude à avoir », rassure Élodie Delame, expert-comptable, fondatrice et associée du cabinet ASE à Saint-Jean, en Haute-Garonne. Toutefois, elle tient à prévenir que rares sont les entreprises contrôlées qui échappent au redressement, avec intérêts de retard. « Taxe à l’essieu, taxe à l’enseigne… Il y a des taxes pour tout et n’importe quoi. Le droit à l’erreur se justifie par la complexité du code général des impôts ! », soupire-t-elle.
Une fois passé ce mauvais moment, tout ira bien… « À moins que le Fisc ne soupçonne une véritable fraude », nuance la comptable. Là, les choses peuvent se corser, surtout pour les récidivistes. « Si vous avez éludé plus de 100.000 euros et que vous avez déjà été redressé dans les six dernières années, votre cas passe au pénal », avertit-elle. Mieux vaut aussi soigner son entourage personnel et professionnel car, d’après l’experte, 80 % des contrôles fiscaux viennent d’une délation. « Un concurrent, un(e) ex… Souvent une dénonciation malveillante. Le reste, ce sont des contrôles aléatoires », détaille-t-elle. Une tendance qui pourrait s’inverser prochainement avec l’utilisation des outils numériques.
Généralement, les impôts procèdent d’abord à un contrôle de cohérence, à distance, dont ils doivent - en théorie - informer l’entreprise. Certaines activités se retrouvent fréquemment dans le viseur, « comme les stations de lavage de voitures, championnes du blanchiment », s’amuse Élodie Delame. Elle a connu un cas épineux. « En étudiant la consommation d’eau, le contrôleur a estimé que mon client avait minoré son chiffre d’affaires. Il a fallu prendre un expert, l’affaire a été portée devant le tribunal administratif... Et il s’est avéré que le contrôleur s’était trompé dans ses calculs en prenant pour base un autre modèle de pompe que celui de mon client », raconte-t-elle.
Des erreurs, des deux côtés, d’où l’importance d’être bien assisté. Dès notification du contrôle, la première chose à faire est d’en informer son expert-comptable. Et son avocat ? « Pour un simple contrôle fiscal, dans la majorité des cas, non, mais un fiscaliste sera très utile si la situation se complique. Nous le sollicitons de toute façon dès que l’on détecte un élément hors de notre champ de compétences », ajoute l’experte.
Frauder, la mauvaise idée
Élodie Delame veut avant tout sensibiliser sa clientèle, composée en grande partie de professions libérales et d’entreprises du secteur BTP. Avis à ceux qui pourraient se laisser tenter par une combine alléchante : « Nous sommes tenus de signaler toute suspicion d’anomalie à Tracfin pour ne pas être accusés de complicité », souligne-t-elle.
Pour l’État, l’enjeu est de taille. Après 14,6 milliards d’euros de mises en recouvrement par les impôts en 2022, le gouvernement veut poursuivre sur sa lancée. Début juin, un nouveau plan de lutte contre la fraude fiscale, sociale et douanière a été dévoilé, avec trente-cinq mesures pour renforcer les dispositifs existants. La première : « exploiter pleinement la facturation électronique » qui sera obligatoire l’an prochain, pour tracer tous les flux financiers.
« La fausse facturation, ce ne sera même plus la peine d’y penser », affirme Élodie Delame, qui poursuit : « Aujourd’hui, l’Urssaf et les impôts communiquent très bien, ce qui n’était pas le cas quelques années en arrière. Ils comparent les revenus avec les achats immobiliers ou les téléviseurs. Il faut savoir qu’ils exploitent toutes les données à leur disposition pour se faire une idée du train de vie de leurs cibles, à commencer par les réseaux sociaux. »
Enfin, elle tient à mettre en garde ceux qui pensent se mettre à l’abri en fermant leur entreprise. « Non seulement une société peut être contrôlée et redressée jusqu’à trois ans après sa liquidation, mais en prime le dirigeant pourra être mis directement en cause puisqu’il n’y a plus de société », explique-t-elle. Fraudeurs, vous voilà avertis.
Marie-Dominique Lacour
Photo : Élodie Delame, expert-comptable cabinet As-Expert. Crédit : Hélène Ressayres - ToulÉco.