Responsabilité personnelle du chef d’entreprise : attention, la liquidation n’est pas toujours la solution

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Quand la situation financière devient intenable, certains chefs d’entreprise envisagent la liquidation judiciaire comme une issue qui leur permettra d’effacer dettes et responsabilités. Une erreur selon les avocates toulousaines Agnès Souleau Travers et Coralie Soliveres, qui alertent sur les risques personnels encourus par les dirigeants, notamment dans le secteur du bâtiment.

Pour une entreprise en difficultés, la liquidation judiciaire s’avère parfois la seule option. Mais cette procédure, loin d’effacer toutes les dettes et responsabilités, ne met pas à l’abri le dirigeant du risque patrimonial et peut, au contraire, l’exposer à de lourdes conséquences. « La liquidation n’est pas un outil de gestion. Pour être une solution, elle doit être préparée avec beaucoup d’analyse et une grande prudence », rappelle Agnès Souleau Travers, avocate en droit des affaires à Toulouse.

Lors d’une clôture pour insuffisance d’actifs, les créanciers ne sont pas payés. « Comme c’est dangereux, car cela peut entraîner des faillites en cascade, le tribunal de commerce va légitimement se demander si le chef d’entreprise a commis des fautes de gestion ayant mené à cette situation », poursuit l’avocate.
La « simple négligence » est tolérée. En revanche, favoriser un créancier au détriment des autres ou ne pas tenir de comptabilité régulière pourra être retenu en défaveur du dirigeant. Mais lorsque ce dernier a fait passer son intérêt personnel avant celui de sa société, la situation s’annonce critique. « On peut tout plaider. Mais se payer alors qu’on ne paie plus ses salariés, ou avoir des notes de frais somptuaires dans un contexte tendu, c’est rédhibitoire, presqu’indéfendable. Aux yeux du tribunal, le chef d’entreprise doit être le premier à faire des efforts », souligne Agnès Souleau Travers.

De « simples fautes » qui peuvent coûter très cher

Tous les patrons sont concernés, quel que soit le statut juridique de leur société. Même s’ils ne sont pas « officiellement » à la tête de celle-ci : « Le dirigeant "de fait", celui qui embauche, signe les chèques et passe les commandes, engage les mêmes responsabilités que le dirigeant de droit. Prendre un homme de paille parce qu’on est frappé d’une interdiction de gérer, c’est extrêmement risqué pour lui », avertit l’avocate.

Saisi par un créancier ou directement par le parquet, le tribunal peut décider d’engager la responsabilité du chef d’entreprise. Les sanctions vont du comblement du passif à l’interdiction d’exercer certaines fonctions, voire à des poursuites pénales. D’où l’importance de ne pas attendre pour prendre conseil : « Avant de demander la liquidation, on va regarder à la loupe les six derniers mois, notamment la "période suspecte", entre la date réelle de cessation des paiements et l’ouverture de la procédure collective. On essaye de déminer en amont les situations qui pourraient être défavorables », précise-t-elle.

Dans la construction, vigilance particulière

Un autre point requiert l’attention particulière des entreprises de construction : « Elles doivent obligatoirement souscrire une assurance décennale pour toutes les activités réalisées », rappelle Coralie Soliveres, avocate intervenant en droit de la construction. Valable dix ans après la réception des travaux, celle-ci couvre les désordres affectant la solidité, la destination de l’ouvrage et la sécurité des personnes. « Le constructeur est responsable pendant dix ans des problèmes qui entrent dans l’une des trois catégories. Sa faute n’a pas à être recherchée, c’est juste une notion d’imputabilité », indique-t-elle.

L’entreprise qui n’a pas de décennale, pensant peut-être pouvoir s’en passer car réputée onéreuse, peut être poursuivie par le propriétaire lesé. En cas de procédure collective, c’est la responsabilité du chef d’entreprise qui sera engagée. « C’est une faute personnelle du dirigeant, il devra indemniser intégralement le préjudice subi », prévient l’avocate. Les montants peuvent être très élevés. En outre, l’absence d’assurance est pénalement - et lourdement - répréhensible : jusqu’à six mois d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. « Cela s’explique par le fait qu’il peut y avoir des cas très graves, par exemple un effondrement. Je veux sensibiliser les chefs d’entreprise à l’importance de bien souscrire cette assurance », conclut Coralie Soliveres.
Marie-Dominique Lacour

Photo : Me Souleau Travers, à gauche, avocate en droit des affaires et Coralie Soliveres, avocate en droit de la construction. Crédit : M.-D.L./ToulÉco

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Source : https://www.touleco.fr/Responsabilite-du-dirigeant-attention-la-liquidation-n-est-pas,48620