Mathieu Piau, de quoi parle-t-on avec ce nouveau statut ?
Depuis le 15 mai 2022, le nouveau statut d’entreprise individuelle est le nouveau statut juridique des indépendants, ce qui inclut les auto-entrepreneurs, professions libérales et artisans non constitués en tant que sociétés. À noter que les auto-entreprises bénéficient d’un régime fiscal et social « micro » avec un mode de calcul particulier pour les cotisations sociales et les impôts. Les autres entreprises individuelles, qui étaient, jusqu’à la réforme, soumises au régime réel d’imposition, peuvent désormais opter pour l’impôt sur les sociétés.
Une évolution positive ?
Bien sûr ! C’est très intéressant. Dans le régime réel, l’Urssaf prélève plus d’un tiers de la marge de l’entrepreneur. En optant pour le régime fiscal des entreprises, ses charges sociales et son impôt sur le revenu seront calculés uniquement sur sa rémunération. S’y ajoute l’impôt sur les sociétés, à 15 %, sur ce qui reste de sa marge. Surtout, avant la réforme, la seule solution des entrepreneurs individuels pour changer leur mode d’imposition était de créer une société, ce qui peut être assez lourd, surtout si leur seul intérêt est la fiscalité. C’est assez chouette de leur expliquer maintenant qu’ils peuvent changer de régime fiscal simplement, sans changer leur statut juridique.
Un autre changement important concerne le patrimoine de l’entrepreneur...
Oui. Dans ces entreprises individuelles, sur un plan juridique, le patrimoine personnel est désormais bien séparé du patrimoine professionnel. Aucune déclaration ou formalité n’est nécessaire, la loi le prévoit de façon automatique. Cela signifie que seuls les éléments considérés comme patrimoine professionnel peuvent être saisis : on parle du fonds de commerce, des moyens de mobilité, par exemple une camionnette, de l’outillage, mais aussi des droits de propriétés intellectuelles comme les brevets et licences, ainsi que des fonds disponibles sur le compte bancaire professionnel, le fonds de caisse, etc. En bref, tout ce qui est utilisé pour l’activité professionnelle, ce qui me semble tout à fait rationnel.
Le patrimoine personnel des entrepreneurs individuels est ainsi mieux protégé… Toutefois, il existe quelques trappes ?
Tout à fait, il faut rester vigilant : comment certains entrepreneurs individuels vont-ils distinguer leurs patrimoines ? Par exemple, un artisan qui utilise son garage privé pour y stocker des outils ou un prestataire de service qui utilise une pièce de sa maison comme bureau ? Tous les biens servant à l’activité peuvent en théorie être considérés comme patrimoine professionnel. En conséquence, votre résidence principale pourrait être saisie en cas de dette, il ne faut pas penser que cette loi la protège systématiquement. Si votre maison vous sert à travailler, mieux vaut constituer une société, même si la démarche est fastidieuse. C’est moins risqué.
Il existe aussi la possibilité de renoncer à cette « insaisissabilité » de sa résidence principale. Quel en est l’intérêt ?
Très concrètement, rendre sa maison saisissable peut permettre d’obtenir un prêt : avant la réforme, la banque pouvait saisir vos biens personnels en cas d’impayé. Aujourd’hui, pour un crédit à titre professionnel, elle sera gagée uniquement sur vos biens professionnels et si elle estime que ce n’est pas suffisant à couvrir le risque, il est probable qu’elle demande d’autres garanties : par exemple, la possibilité de saisir votre maison. En outre, la conjoncture inflationniste accentue la réticence des banquiers. Mais en cas de difficulté à faire financer ses projets pour une question de garanties, là aussi, une autre solution moins risquée est de créer une société et de prendre une caution personnelle auprès de la banque. À noter, enfin, que les crédits contractés avant la réforme continuent avec les modalités et garanties convenues initialement.
Propos recueillis par Marie-Dominique Lacour
Sur la photo : Mathieu Piau est président de la section Midi-Pyrénées du syndicat ECF - Crédits : 8 Octobre.