En Occitanie, l’impossible équilibre financier des clubs de rugby

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La Chambre régionale des comptes a audité sept clubs d’Occitanie, trois en Top 14 et quatre en Pro D2. Le constat est sans appel : alors que la masse salariale augmente, les recettes stagnent et les structures sportives, déficitaires, se trouvent dans une situation économique fragile... à l’exception notable du Stade Toulousain.

Trente ans après la professionnalisation du rugby masculin, la chambre régionale des comptes s’est intéressée au modèle économique de sept clubs occitans pour tenter de répondre à une question majeure : est-il soutenable ? L’audit, couvrant la période 2017-2018 à 2022-2023, met en lumière la fragilité de ces structures particulières, composées d’associations dédiées à la pratique amateur et de sociétés commerciales en charge du rugby professionnel. « Exception faite de Toulouse, les clubs de rugby professionnel se portent globalement mal », constate Patrice Ros, vice-président de la chambre régionale. « Non seulement ils sont tous en déficit, mais celui-ci se creuse année après année. »

Les chiffres du rapport en attestent. Montpellier accuse un déficit de 5,9 millions d’euros, Perpignan de 1,4 million d’euros et Castres de 6,7 millions d’euros. En cinq saisons, les pertes se sont accrues de 1 à 1,8 million d’euros selon les clubs. À l’inverse, le Stade Toulousain se démarque : avec un chiffre d’affaires de 47,2 millions d’euros et un résultat d’exploitation positif de 2,4 millions en 2022-2023, il est le seul club excédentaire parmi les sept étudiés (Stade Toulousain, Montpellier Hérault Rugby, Castres Olympique et Union sportive Arlequins Perpignan en Top 14, Béziers, Montauban et Colomiers en Pro D2).

Diversifier les recettes pour combler un déficit structurel

À l’échelle nationale, la tendance est tout aussi préoccupante. Selon la Ligue nationale de rugby, la perte cumulée en exploitation dépasse désormais 64 millions d’euros pour les clubs de Top 14, soit cinq millions de plus que la saison précédente. Selon Patrice Ros, « les clubs ont de plus en plus de mal à soutenir l’augmentation de la masse salariale » [1] et doivent impérativement, pour survivre, chercher à « diversifier leurs sources de revenus ». Car leurs recettes, elles, stagnent. Elles se décomposent généralement ainsi : les partenariats privés et le sponsoring constituent le plus gros poste (environ 45 %), devant les versements de la Ligue nationale (20 à 27 %) et une billetterie marginale (6 à 10 %).

Les aides publiques, bien que « significatives », entre 2 et 3 millions d’euros par saison et par club en moyenne, restent « loin de pouvoir combler le déficit », reconnaît Patrice Ros. Le vice-président souhaite cependant « un meilleur contrôle » de la part des collectivités pour s’assurer du bon emploi des fonds publics : « Les achats de prestations au club sont plafonnés et les subventions conditionnées par l’intérêt général », rappelle-t-il.

Impossible n’est pas toulousain

Dans ce tableau gris, Toulouse fait figure d’exception. Le club Rouge et Noir, sextuple champion d’Europe, a pleinement réussi sa diversification : produits dérivés, brasserie, buvettes, location d’espaces... Des recettes annexes qui représentent 27 % de son chiffre d’affaires en 2021-2022, contre 13 % en moyenne pour les clubs du Top 14.

Surtout, le club de Didier Lacroix tire une part croissante de ses revenus de la billetterie (+70 % en quatre ans), au point qu’elle est devenue sa deuxième ressource, toujours derrière les partenariats mais devant les dotations de la LNR. Ernest-Wallon ne désemplit pas, affichant un taux de remplissage proche de 100 % sur la saison 2022-2023, ce qui pousse le club à envisager un agrandissement en lien avec la future ligne de métro. Une situation qui illustre la dépendance du modèle économique de ces structures à leurs résultats sportifs. Mais pas seulement : « Parmi les sept clubs audités, Toulouse est le seul propriétaire de son stade [2]. Or, pour un club, la maîtrise des installations sportives et le droit d’exploiter sa marque représentent de très importants leviers de développement », note Patrice Ros.
Marie-Dominique Lacour

Photo d’illustration : (Romain Ntamack, demi d’ouverture du Stade Toulousain et du XV de France, lors de la Coupe du monde en 2023). Crédit : Hélène Ressayres-ToulÉco.

Notes

[1Malgré l’instauration en 2010 d’un salary cap (plafond de salaire), « la masse salariale représente en moyenne les deux tiers du total des charges supportées par les clubs professionnels de l’échantillon », indique la Chambre des comptes. Le salary cap est actuellement fixé à 10,7 millions d’euros par saison et par club du Top 14 (+180.000 euros par joueur international pour supporter les remplacements).

[2Le complexe sportif des Sept Deniers est plus exactement propriété des Amis du Stade Toulousain

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Source : https://www.touleco.fr/En-Occitanie-l-impossible-equilibre-financier-des-clubs-de-rugby,48393