Depuis de nombreux mois, l’intelligence artificielle est l’objet de tous les fantasmes et de toutes les peurs. Mais qu’est-ce que cette révolution technologique peut changer concrètement pour les dirigeants occitans ? C’est une des questions qui était au cœur des discussions de cette onzième édition de Serviciz, qui se tenait au Meett, ce jeudi 2 octobre.
10 heures, au centre du parc des expositions toulousain. Une vingtaine de participants digèrent croissants, bonbons et petits cafés en écoutant une table ronde dédiée à l’épineuse question : « IA & commerce : opportunité ou menace pour la relation client ? » Chacun des intervenants évoque d’abord les avantages de cette technologie. « L’intérêt de l’intelligence artificielle, c’est de pouvoir traiter rapidement beaucoup de données. On peut croiser beaucoup plus facilement des données internes et externes. Par exemple, je travaille sur du ciblage d’entreprises dans le cadre de projets de cessions et acquisitions. L’IA m’aide à vite trouver des informations que j’aurais bien du mal, sans elle, à trouver vite par moi-même », explique notamment Agathe Gest, dirigeante de Evolve Conseil, consultante en organisation et développement commercial.
« L’IA permet d’arrêter la communication de masse et de faire des opérations marketing ultra ciblées. Grâce à elle, cela devient facile d’envoyer, au bon moment, une promotion adaptée à un client donné. Par exemple, un amateur de courses à pied recevra une offre pour de nouvelles chaussures dès que les anciennes commenceront à être usées. L’IA peut permettre de calculer facilement ce moment critique d’usure d’un produit », raconte Benoit Barron, directeur général de la branche distribution de Gefiroga, groupe toulousain qui détient notamment dix magasins Intersport de la région toulousaine. Il met également en avant « la gestion ultra fine des stocks » et « la possibilité de mieux analyser les données des caméras de surveillance pour éviter les vols ou les oublis d’objets dans les cabas ».
Enfin, selon Christophe Saint-Pierre, dirigeant de MPD, entreprise qui propose des solutions pour se mettre en conformité avec le règlement général sur la protection des données (RGPD), « l’IA permet, par exemple, aux e-commerçants de ne pas perdre de temps à répondre aux mêmes questions répétitives des clients pour se consacrer à d’autres taches ou à des demandes plus complexes ».
« Assurer un cadre éthique qui permet de protéger les libertés des individus »
Mais l’IA pose aussi beaucoup de questions éthiques. En facilitant la surveillance, n’est-elle pas un danger très important pour les libertés publiques ? « Il faut assurer un cadre éthique et de confiance d’usage qui permet de protéger les libertés fondamentales des individus », reconnaît Christophe Saint-Pierre, qui souligne que le règlement européen sur l’IA (ou AI Act), en vigueur depuis cet été, « vise justement cet objectif ».
Côté entreprises, le principal enjeu est de bien protéger ses données sensibles. « L’IA est un outil dont l’usage doit être encadré par le management. Il faut que les dirigeants soient formés et développent une vision d’entreprise. L’IA doit répondre à des problèmes concrets qui ne trouvaient pas de solutions auparavant. Il faut utiliser des systèmes fermés et bien former ses collaborateurs », conseille Agathe Gest.
Raphaël Buchard, avocat et fondateur de Dipeeo, entreprise spécialisée dans la conformité RGPD, ajoute : « Il faut absolument mettre en place des règles contraignantes par rapport à l’IA et à la gestion de ces données dans l’entreprise. Il ne faut pas laisser les collaborateurs seuls face à cette révolution technologique. »
Aux yeux du dirigeant de MPD, il ne faut être ni euphorique, ni accablé face à la révolution IA. « Il ne faut pas être angoissé par l’IA. Ce débat opportunités versus menaces revient toujours dans le monde du numérique. Le PC n’a pas tué les salariés, l’e-commerce n’a pas terrassé le commerce physique. Des professions vont disparaître ou évoluer, mais beaucoup vont naître aussi. C’est à chaque fois le cas avec le numérique. Là où il faut un peu s’inquiéter, c’est sur la cybersécurité. Si les systèmes informatiques tombent, beaucoup de choses s’arrêtent. Il va falloir beaucoup travailler sur la protection de nos systèmes informatiques et d’informations », conclut Christophe Saint-Pierre, par ailleurs vice-président du cluster Digital 113.
Matthias Hardoy
Sur les photos : Emmanuel Rolland, secrétaire général des DCF Toulouse et animateur de la conférence : « IA & Commerce : opportunité ou menace pour la relation client ? ». À ses côtés, Christophe Saint-Pierre, dirigeant de MPD, Agathe Gest, dirigeante de Evolve Conseil, et Benoit Barron, directeur général de la branche distribution de Gefiroga, lors de l’édition 2025 de Serviciz. Crédit : M. H. - ToulÉco.