Créée en 2003, la loi Dutreil, du nom de l’ex-député de la Marne, vise à encourager la transmission familiale des entreprises. Le mécanisme repose sur l’exonération de 75 % de la valeur des titres transmis, limitant donc la taxation à 25 %. « Il s’agit d’un allègement significatif des droits de mutations. Toutefois, la loi est contraignante, il existe quatre conditions à respecter », indique Caroline Pons-Dinneweth, avocate en droit des sociétés à Toulouse.
Jusqu’à présent, ces quatre conditions étaient : la transmission effective des titres, dont au moins 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote pour les sociétés non cotées ; l’engagement collectif de conserver les titres pendant deux ans ; l’engagement individuel par chaque donataire de les conserver quatre ans supplémentaires ; et, enfin, l’engagement de l’un d’entre eux de poursuivre l’exploitation de la société en occupant une fonction de direction pendant au moins trois ans.
Les abus ciblés, le cœur du dispositif préservé
Malgré ces garde-fous, le dispositif n’a jamais cessé d’être critiqué. Ses détracteurs dénoncent une niche fiscale alimentée par des abus, notamment lorsque des biens personnels ont été indûment rattachés au patrimoine professionnel pour profiter de l’exonération. Son coût budgétaire a longtemps été considéré comme limité (500 à 800 millions d’euros selon Bercy), jusqu’à ce qu’un récent rapport de la Cour des comptes ne jette un pavé dans la marre : le Pacte aurait coûté 5,5 milliards d’euros en 2024, indique l’institution, qui reproche également son inefficacité au regard de l’évolution du nombre de transmissions.
« Tout le monde est bien conscient que la période est marquée par la recherche d’économies et la demande de justice fiscale. La remise à plat était inévitable ! », constate l’avocate. Le 3 novembre, les députés ont finalement décidé de maintenir le dispositif en le resserrant grâce à l’adoption de trois amendements. « Le premier impose désormais une limitation stricte aux biens professionnels sur la base d’une liste détaillée. Deuxième point, la transmission à des enfants mineurs ne sera plus possible, au moins un donataire devra avoir entre 18 et 70 ans. Enfin, la durée d’engagement individuel passe de quatre à six ans », détaille-t-elle.
Ces nouvelles contraintes auront pour effet un autre changement d’importance : l’exclusion de fait des SCI et holdings sans activité opérationnelle réelle.
« Il est encore temps d’accélérer le projet ! »
Selon Me Pons Dinneweth, aucune rétroactivité n’est envisagée et l’entrée en vigueur de ces changements n’est pas encore actée. « Il est encore temps d’accélérer les projets », insiste l’avocate. Car loin de simplifier une loi déjà très complexe, la réforme devrait encore alourdir le Pacte. « Il faudra isoler les biens patrimoniaux, évaluer précisément les biens professionnels éligibles... Certains devront restructurer leur société en amont. C’est un contrat périlleux : la moindre approximation peut conduire l’administration fiscale à le rejeter au moment de la transmission », prévient-elle.
Derrière la loi Dutreil, l’enjeu est immense : 500.000 sociétés devront changer de mains dans les dix prochaines années, alors même que les vocations s’essoufflent, notamment dans certains secteurs comme la viticulture. D’où l’importance, souligne l’experte, de maintenir un cadre incitatif : « On ne peut pas parler d’équité fiscale sans penser compétitivité. » Si la loi Dutreil sort de ce débat « pas coulée mais touchée », elle demeure un outil central pour la vitalité des territoires, la préservation des emplois et la transmission des savoir-faire. Un équilibre fragile.
Marie-Dominique Lacour
Photo : Caroline Pons-Dinneweth, avocate en droit des affaires et droit social à Toulouse (Belvédère avocats). Crédit : Marie-Dominique Lacour-ToulÉco.
