À partir du 1er septembre 2026, les grandes entreprises devront être capables d’émettre et de recevoir des factures électroniques. Pour les plus petites, l’échéance est trompeuse : « Si une PME travaille avec un grand groupe, ce qui est très commun, elle devra être en mesure de recevoir ses factures dès cette date », rappelle Valentin Aldebert, directeur commercial de Sage France. Autrement dit, le choix des solutions doit se faire maintenant.
Or, la majorité des petites structures sont encore très loin de gravir la marche. Selon une étude de l’éditeur de logiciels, menée à l’échelle internationale [1] et parue le 22 septembre 2025, près d’une PME sur quatre n’est « pas du tout préparée » à la réforme, et moins de la moitié de celles qui connaissent l’obligation s’estiment réellement prêtes. En France, 70 % des clients des cabinets d’expertise-comptable ne sont pas équipés d’un outil de facturation dédié. « Word et Excel sont les premiers éditeurs de factures du pays ! », constate Valentin Aldebert.
« L’adaptation est considérable »
La réforme ne se limite pas simplement au « e-invoicing » : elle inclut aussi le « e-reporting », c’est-à-dire la transmission de données de trésorerie et de TVA en temps réel. Un volet moins connu mais tout aussi crucial, selon Valentin Aldebert. « Pour les commerçants qui utilisent encore des tickets papiers, l’adaptation sera considérable », alerte-t-il. Les experts-comptables jouent un rôle central. « Il y a eu un vrai réveil cette année. Toutefois, beaucoup de petits cabinets en sont encore à s’organiser en interne et n’ont pas encore compris tout ce que cela implique pour leurs clients », constate-t-il.
Le retard des petites structures s’explique par plusieurs freins : complexité technique, coûts perçus, mais surtout manque d’information. « Tout le monde en a entendu parler mais, sur les actions concrètes de mise en conformité, on est encore très loin du compte », insiste le directeur commercial, qui rappelle les bénéfices de la facture électronique. « Elle n’est pas qu’une contrainte : elle permet de réduire les fraudes, de gagner en productivité et de fluidifier les paiements. »
Une centaine de plateformes agréées
Dans la jungle des plateformes agréées (nouveau nom officiel des "PDP", les plateformes de dématérialisation partenaires), qui se sont multipliées ces derniers mois, Sage veut tirer son épingle du jeu en travaillant dans un « écosystème ouvert » : le groupe va proposer aux petits éditeurs de logiciels, qui n’auront pas la capacité de développer leur propre PA, d’être interfacés sur celle de Sage. « On ne peut pas, et on ne souhaite pas forcer une entreprise à changer toutes ses habitudes », explique le directeur commercial. Concernant les clients existants, « tous seront en conformité : ils auront accès à notre plateforme agréée, sans surcoût pour 98 % d’entre eux. Seuls les très gros groupes avec un volume énorme auront des frais supplémentaires et ils sont au courant. »
Intégrée à l’intelligence artificielle, la facture électronique devient un levier de pilotage en temps réel, de sécurisation des transactions et d’accès facilité au financement. Mais, pour en tirer parti, encore faut-il que les petites entreprises se mettent en ordre de marche : le compte à rebours est lancé, pour leur éviter de subir de plein fouet une réforme qu’elles n’auront pas anticipée.
Marie-Dominique Lacour
Sur la photo : Valentin Aldebert, directeur commercial de Sage France. Crédit : Sage
Chiffres-clés de l’étude Sage :
En France :
– 25 % des PME ne s’estiment « pas du tout préparées » à la réforme.
– 49 % connaissent la facture électronique, contre 34 % en 2023.
– 68 % des PME éprouvent de grandes difficultés à se faire payer à temps.
– 40 % s’inquiètent du coût des plateformes agréées.
– 88 % des experts-comptables recommandent la facture électronique à leurs clients.
À l’échelle européenne :
– Près de la moitié (47 %) des PME sensibilisées à la facturation électronique déclarent ne pas encore avoir une vision claire de l’impact qu’elle aura sur leur activité.
– 61 % sont inquiètes quant au développement de l’IA et son impact sur la fraude.
– 8 sur 10 reçoivent des factures frauduleuses et 1 sur 2 en a déjà payé une.
– La facturation électronique permettrait jusqu’à 13.500 euros d’économies par an et 5h40 de tâches administratives gagnées par semaine.
– Son adoption généralisée pourrait augmenter la productivité du travail en Europe de 2,6 % par an et réduire de 20 % les retards de paiement.
Notes
[1] Étude réalisée en avril 2025 auprès de 9000 PME en Europe (Allemagne, France, Danemark, Irlande, Portugal, Espagne), au Royaume-Uni et aux États-Unis