Wiseed devrait bientôt changer de mains. La pionnière toulousaine du crowdfunding, créée en 2008, a été placée en redressement judiciaire le 20 octobre par le tribunal de commerce de Toulouse. « Nous avons traversé une période très compliquée. Depuis 2023, la crise immobilière a été le catalyseur des profonds changements du monde de l’investissement », reconnaît sa dirigeante, Mathilde Iclanzan.
Malgré une réduction des charges et des effectifs, l’entreprise s’est résolue à chercher « un adossement industriel » début 2024. Problème : un actionnaire minoritaire, détenteur de 5 % du capital mais de 35 % des droits de distribution, bloque toute ouverture du capital. « Il a refusé de céder ses parts. Face à cette impasse, nous avons sollicité le tribunal et demandé une procédure collective accélérée, qui nous a été accordée », raconte la cheffe d’entreprise.
Une décision attendue d’ici deux à trois semaines
À ce moment-là, Wiseed dispose déjà d’investisseurs potentiels. D’autres se sont manifestés depuis lors et cinq propositions de reprise sont aujourd’hui sur la table. Quatre totales, l’une partielle. Toutes très différentes. « L’un des repreneurs voit l’avenir dans la tokenisation et les cryptomonnaies, un autre dans le développement de nouveaux produits immobiliers, un troisième veut réinventer le crowdfunding... », résume Mathilde Iclanzan.
Les candidats - des entreprises régionales, nationales et même internationales - ont présenté leurs projets cette semaine devant les juges du tribunal de commerce de Toulouse. Ceux-ci doivent désormais choisir une offre parmi les cinq... Mais pourraient aussi n’en sélectionner aucune. Une hypothèse impensable pour l’entrepreneure, qui reste résolument optimiste. « Les propositions sont solides, sérieuses, avec de vraies synergies qui garantissent la pérennité de la société », assure-t-elle.
Prepack cession, la procédure express
Sans être la solution miracle, la prepack cession permet de surmonter un problème majeur : le temps. « En quelques semaines, tout est bouclé. Dans une procédure classique, il faut compter au moins six mois pour établir un plan de cession, ce qui compromet son succès », explique Adrien Leproux, avocat en droit des sociétés. Le dispositif suppose que la reprise ait été préparée en amont : « Généralement, le repreneur est déjà identifié avant l’ouverture de la procédure collective. Les juges examinent le contenu de l’offre, c’est-à-dire le prix et le projet. Pour être validée, elle doit être assez “sexy” pour justifier de s’affranchir des appels d’offres habituels », précise-t-il.
Une fois la décision rendue, une période transitoire s’ouvrira, pendant laquelle Wiseed restera aux manettes, le temps pour le repreneur d’être validé par les autorités de tutelle, la Banque de France et l’AMF. « Le financement participatif est une activité régulée et le transfert des agréments n’a rien d’automatique », explique Mathilde Iclanzan.
Après l’étape judiciaire, la dirigeante sait qu’un travail de fond attend non seulement Wiseed mais aussi le secteur tout entier. « Le financement participatif atteint ses limites, il faut repenser tout le modèle économique. Les fondamentaux resteront : investir dans des projets concrets, soutenir l’économie réelle. Mais il faut élargir le service et apporter plus de garanties pour un meilleur équilibre entre le risque et rendement », conclut-elle.
Marie-Dominique Lacour
Sur la photo : Illustration / tribunal de commerce de Toulouse. Crédit MD.L-ToulÉco.