Mines d’or de Salsigne : l’État condamné à réparer le préjudice écologique lié à la pollution

C’est une victoire pour les habitants de la vallée de l’Orbiel. Le 22 juillet, le tribunal administratif de Montpellier a condamné l’État à « réparer le préjudice écologique » lié à l’exploitation des anciennes mines d’or de Salsigne, dans l’Aude. Les juges ont donné un an au préfet pour prendre des mesures.

Vingt ans après la fermeture des mines d’or et d’arsenic de Salsigne, dans l’Aude, l’État va devoir « réparer le préjudice écologique » lié à leur exploitation. C’est la décision qu’a rendue le 22 juillet dernier le tribunal administratif de Montpellier. Les juges ont donné un an au préfet de l’Aude pour « prendre des mesures » dans ce sens et « prévenir l’aggravation des dommages résultant de ce préjudice ». Ils lui imposent d’agir « pour maîtriser la diffusion des polluants issus des anciens sites miniers dans les sédiments et cours d’eaux affluents de l’Orbiel afin de limiter la concentration en arsenic des eaux superficielles de la vallée ».

Lire par ailleurs : L’or maudit de Salsigne : une affaire d’État

La juridiction avait été saisie par quatre associations et une quinzaine de riverains de ce territoire contaminé par quatre-vingts ans d’exploitation entre 1924 et 2004. Sa pollution avait éclaté au grand jour après les inondations d’octobre 2018. Charriées par la rivière Orbiel et par ses affluents en crue depuis les anciens sites miniers, des boues chargées d’arsenic et d’autres métaux lourds avaient envahi des terres, des maisons et des cours d’école, à Lastours, Conques-sur-Orbiel, jusqu’à Trèbes. Un an plus tard, on constatait la surexposition à l’arsenic d’une cinquantaine d’enfants.

« Faute » de l’État

Comme elle l’a fait en décembre 2024 pour la pollution des calanques de Marseille, la justice administrative a donc acté la responsabilité de l’État dans celle de la vallée de l’Orbiel. Dans les deux cas, ce sont ses carences, notamment dans l’exercice de son pouvoir de police, qui ont été pointées. Pour les juges de Montpellier, l’État a bien commis une « faute » en « n’exigeant pas, par des dispositions encadrant l’activité de ces sites, une diminution plus significative des polluants ». Pourtant, notent les magistrats, le préfet de l’Aude a toujours disposé du pouvoir d’imposer à une installation classée ou à une exploitation minière toute mesure de police nécessaire pour la préservation de la santé publique ou de l’environnement.

Et pour le tribunal, les carences de l’État ne s’arrêtent pas là. Il n’a pas manqué de souligner que les mesures prises par le préfet de l’Aude avaient été « insuffisantes » aussi après la fermeture des mines. Car, depuis 2006, c’est bien l’État, font observer les juges, qui a « la totale responsabilité » du site et donc de la gestion des zones contaminées où sont stockées quelque 25 millions de tonnes de déchets miniers. Ils sont plus ou moins contenus dans les montagnes artificielles de Montredon ou de l’Artus mais laissés à l’air libre sur la verse de Nartau et de Ramèle notamment.

« Objectif atteint »

Le 22 juillet, le tribunal a également condamné l’État à verser la somme de 5000 euros à l’association Terres d’Orbiel, engagée depuis 2005 pour la défense de la santé, l’environnement et le cadre de vie de la région de Salsigne, « en réparation de son préjudice moral ». Il a en revanche rejeté les demandes des riverains et débouté trois autres associations requérantes pour défaut d’intérêt à agir. Mais pour leur conseil, Me Florent Tizot, qui avait déjà obtenu l’hiver dernier une condamnation de l’État dans l’affaire des calanques, « l’objectif commun porté par l’association victorieuse (Terres d’Orbiel, NDLR) a été atteint ». Il s’agissait, précise l’avocat marseillais, de « faire reconnaître l’atteinte à l’environnement par la pollution historique de la vallée, faire cesser les dangers que ces lourdes contaminations représentent en obligeant l’administration à assumer ses responsabilités dans un délai contraint et par une obligation de suivi et d’information des populations alentours ».

Dans un communiqué diffusé le 24 juillet, le préfet de l’Aude a indiqué que l’injonction des juges allait « dans le sens de la poursuite du programme de réhabilitation et surveillance » mené par l’État. Depuis la fermeture du complexe minier, il chiffre à 53 millions d’euros le montant des travaux, mesures et études menés par l’État. Celui-ci a jusqu’au 22 septembre pour faire appel de la décision du tribunal administratif de Montpellier mais, déjà, il prévient : « L’évacuation de l’ensemble des terres impactées sur les anciens sites miniers est à ce jour irréalisable. » C’est dire l’ampleur de la pollution.
Johanna Decorse

Sur les photos : La mine d’or à ciel ouvert de Salsigne se situait sur les communes de Salsigne et de Villanière à 15 km au nord de Carcassonne au pied de la Montagne Noire. Fermée en 2004, elle a été la plus importante mine d’or d’Europe Occidentale et la dernière de France métropolitaine. // La verse de Nartau est recouverte de 20.000 tonnes de déchets miniers chargés d’arsenic, pur par endroits. Ces résidus sont laissés à l’air libre depuis le début du XXe siècle. Crédits : Rémy Gabalda-ToulÉco.

Réagir à cet article

Source : https://www.touleco.fr/Mines-d-or-de-Salsigne-l-Etat-condamne-a-reparer-le-prejudice,47980