Une entreprise. Une réussite. Une performance. Ces mots s’accordent bien au féminin, alors pourquoi l’entrepreneuriat devrait être la chasse gardée des hommes ? Sur la scène de la salle Imax de la Cité de l’espace à Toulouse, Carine Rouvier, la présidente nationale de l’association Femmes chefs d’entreprises (FCE), capte très vite l’attention de son auditoire avec son humour, son aisance, son sens de la formule.
Selon la dirigeante, également présidente d’un groupe de BTP, « les femmes qui veulent entreprendre ne doivent pas écouter ceux qui vont leur expliquer comment elles ne vont pas réussir ». Puis, une fois lancée, « ne pas avoir peur d’avoir de l’ambition, « d’être opportuniste », « de vouloir de l’argent et une grosse voiture ». Il faut dire qu’il y a encore du travail pour atteindre la parité au niveau de l’entrepreneuriat puisque l’on compte seulement 30 % de dirigeantes alors que les femmes représentent 48 % de la population active.
Présenter « des modèles de réussite »
« Chez les start-up de la tech et du numérique, les chiffres sont encore pire que cela », déplore Sandrine Jullien-Rouquié, présidente de la French Tech Toulouse, le mouvement des start-up impulsé par l’État. « Les femmes ne sont par exemple que 28 % dans les écoles d’ingénieurs, ce qui peut expliquer qu’elles soient ensuite si peu nombreuses à monter leur société », souligne celle qui dirige par ailleurs Ludilabel [1] Elle impose désormais « un minimum de 35 % d’intervenantes » dans les événements de son organisation afin de présenter « des modèles de réussite » qui pourraient inspirer les femmes et en particulier les plus jeunes. « Car c’est vers la fin de la 3e que les jeunes filles deviennent moins ambitieuses dans leur choix d’orientation », estime Carine Rouvier, qui partage son expérience dans des collèges et des lycées.
Les clubs de jeunes entrepreneuses peuvent-ils être aussi une bonne manière de promouvoir l’esprit d’entreprendre chez les femmes ? Pascale Bueno-Mérino, chercheuse à TBS Éducation, les a étudiés. Elle y voit principalement du positif : « un soutien psychologique, », « l’importance d’un collectif » pour avoir « plus confiance en soi », « briser l’auto-censure ». Le risque pourrait être toutefois « de se ghettoïser » et de tomber dans « une forme d’unanimisme où le groupe de femmes écarte les voix les plus discordantes ».
Un monde de l’investissement trop masculin
La dernière intervenante était Julie Khaski, directrice d’Investissement chez M Capital, fonds d’investissement toulousain. Elle aussi pointe le manque des femmes : « seulement 10 % des porteurs de projets qui font appel à M Capital sont des femmes. Et elles demandent 20 % de moins que les hommes. » Selon Julie Khaski, « le monde de l’investissement a été très longtemps trop masculin. Il n’était pas toujours facile pour elles de pitcher devant que des hommes. » Par ailleurs, ceux-ci pouvaient avoir « des stéréotypes ou des biais inconscients qui les faisaient écarter certains projets d’entrepreneuses ». Pour remédier à cela, le fonds d’investissement va lancer, en 2022, un fonds exclusivement dédié aux femmes qui reprennent ou créent des entreprises. Ce fonds de dette de 50 millions d’euros devrait être soutenu par la Région Occitanie. Les projets à « ambition sociale et écologique » seront favorisés mais « les entreprises de tous les secteurs » pourront postuler.
À la fin de la table-ronde, subsistait cette impression que beaucoup reste encore à faire. Mais l’espoir est venu de la salle où une jeune femme d’une vingtaine d’année, dirigeante d’une entreprise de nettoyage, est intervenue. Elle a saluée la parole de ses prédécesseuses, a dit que « les choses étaient en train de changer », qu’elles « ressent de plus en plus de respect » chez ses interlocuteurs hommes. La voix assurée, elle semblait avoir compris, comme l’avait bien démontré Carine Rouvier dès le début de la soirée, qu’il n’y avait aucune raison en tant que femme de baisser le regard, de s’excuser d’être là !
Matthias Hardoy
Sur la photo de une : De gauche à droite, Carine Rouvier, la présidente de l’association Femmes chefs d’entreprises (FCE), Sandrine Jullien-Rouquié, la présidente de la French Tech Toulouse, Pascale Bueno-Mérino, chercheuse à TBS Éducation, et Julie Khaski, directrice d’Investissement chez M Capital, ont répondu à la Cité de l’espace aux questions de la journaliste de ToulÉco Béatrice Girard, rédactrice en chef du Guide de la créatrice d’entreprise.Crédit : Rémy Gabalda - ToulÉco.
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Notes
[1] Entreprise qui fabrique et commercialise, entre autres, des étiquettes nominatives pour marquer les vêtements et fournitures scolaires.