Les stations de ski des Pyrénées françaises changent d’ère

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La mutation est lente mais profonde. Dans les Pyrénées françaises, les domaines skiables adoptent, les uns après les autres, un nouveau modèle de gouvernance pour faire face aux réalités du réchauffement climatique et à la fragilité d’une approche « tout ski ». La Compagnie des Pyrénées, dont le pool d’actionnaires public-privé va bientôt intégrer le Département de la Haute-Garonne, en est le principal chef d’orchestre.

Le changement d’échelle a commencé en 2005 avec le lancement de la marque N’Py, qui fête cette année ses 20 ans d’existence, à l’initiative de cinq stations concurrentes devenues partenaires, Peyragudes, Grand Tourmalet, Luz-Ardiden, Gourette et La Pierre Saint-Martin.

Piau, Le Pic du Midi et Cauterets les ont rejointes quelques années plus tard en mutualisant à leur tour, au sein d’une société et bannière commune, une partie de leurs fonctions supports - service informatique, promotion, achats... En 2019, ce modèle collectif, qui intégrait aussi la Caisse d’Épargne, le Crédit Agricole, Safidi, une filiale d’EDF, et la Caisse des dépôts et consignations, a pris une autre dimension avec la transformation de la Sem N’Py en Compagnie des Pyrénées.

La société anonyme d’économie mixte, aujourd’hui capitalisée par les Régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine, la Banque des Territoires (groupe CDC) et les Départements des Pyrénées-Atlantiques, de l’Ariège, des Hautes-Pyrénées, et des Pyrénées-Orientales, a eu dès l’origine pour mission de déployer une politique montagne à l’échelle de tout le massif. Son levier : s’appuyer sur un partenariat public-privé pour rassurer les banques et financer ainsi des projets trop coûteux pour les seules collectivités, communes ou communautés de communes, gestionnaires des stations.

Tout en apportant une assise financière, la Compagnie des Pyrénées s’est dotée d’outils opérationnels pour accompagner les stations dans leur changement de modèle économique et dans leurs projets de diversification pour faire face aux réalités du changement climatique et sortir du « tout ski ».

La Haute-Garonne rejoint le pool

Créée en 2020, la société filiale, Compagnie des Pyrénées Participations, a vocation à capitaliser des sociétés d’économie mixtes locales en capacité de soutenir des délégations de service public. Pour sa première opération, elle est entrée au capital, à hauteur de 28 %, de la Sem du Grand Tourmalet. La station, jusque-là gérée dans le cadre d’une régie intercommunale, se donne ainsi les moyens d’engager 13 millions d’euros d’investissements sur les deux années qui viennent, notamment pour remplacer un télésiège par une télécabine.

La mutation des stations pyrénéennes françaises va s’accélérer cette saison avec l’entrée du Département de la Haute-Garonne au capital de la Compagnie des Pyrénées. C’est le dernier à intégrer le pool d’actionnaires public-privé. Son arrivée prochaine a été actée par le conseil d’administration de la Saem et va se faire par le biais d’un rachat de parts. « La Haute-Garonne nous rejoint. La Compagnie des Pyrénées va aller de Banuyls à Hendaye et couvrir la totalité du massif », se félicite Michel Boussaton, son vice-président.

« Le Département était le seul de la chaîne des Pyrénées à ne pas être adhérent de la Compagnie des Pyrénées. C’était un préalable nécessaire pour travailler avec elle à la poursuite des investissements permettant d’adapter nos trois stations aux impacts du changement climatique », explique la collectivité, qui gère depuis 2018 les stations de Luchon-Superbagnères, le Mourtis et Bourg d’Oueil via le syndicat mixte Haute-Garonne Montagne. « Nous avons décidé de créer une société d’économie mixte pour poursuivre les investissements et la modernisation des stations. Haute-Garonne Montagne en deviendra l’actionnaire principal aux côtés de la Compagnie des Pyrénées et d’autres partenaires. Un cabinet d’études nous accompagne dans ce montage juridique depuis plus d’un an. Cela ne change en aucun cas le travail engagé sur les stations haut-garonnaises, bien au contraire », souligne le Département. « Il s’agit de doter les stations d’un outil juridique capable d’accélérer les transitions déjà engagées avec la mise en place de la télécabine de Luchon-Superbagnères et le retour du train. »

Peyragudes passe en DSP

Pour Peyragudes aussi, station à cheval sur les Hautes-Pyrénées et la Haute-Garonne, un changement de pilote doit intervenir cet hiver. Depuis novembre 2018, la station est gérée par la Société publique locale de Peyragudes dont le Sival (Syndicat intercommunal de la Vallée du Louron) et le SMA (Syndicat mixte des Agudes) sont co-actionnaires à parité, chacun représentant un versant du domaine skiable. Les collectivités propriétaires de la station ont lancé, fin 2024, une délégation de service public à laquelle a répondu la Semip, société d’économie mixte immobilière de Peyragudes, qui aura vocation à être aussi capitalisée par la Compagnie des Pyrénées. Cette nouvelle gouvernance va permettre de financer les investissements, de l’ordre de 26 millions d’euros, que prévoit la station avec notamment la mise en place d’une nouvelle télécabine quatre saisons pour rejoindre le sommet du domaine. La DSP devrait être attribuée début 2026.

Station après station, la Compagnie des Pyrénées étend donc son champ d’action au-delà du seul périmètre de N’Py. « Nous venons en appui aux domaines skiables pour les aider dans leur changement de modèle, leurs investissements et sortir du 100 % ski. Mais nous ne serons jamais majoritaires dans les sociétés d’exploitation, toujours minoritaires », précise Régis Lignon, directeur général de la Compagnie des Pyrénées. « Le pouvoir de décision reste aux mains des territoires. »
Johanna Decorse

Sur les photos : La station de Cauterets a rejoint la marque N’Py en 2013. Crédit Matthieu Pinau. // Comme ses voisines de Haute-Garonne, la station familiale de Bourg d’Oueil rentrera bientôt dans le périmètre d’une société mixte d’exploitation capitalisée par la Compagnie des Pyrénées. Crédit : Lilian Cazabet CD31.// Peyragudes sera exploitée dans le cadre d’une délégation de service public. Crédit Pierre Brunet.

Les stations de la marque N’Py démarreront la saison 2025-2026 le 29 novembre prochain pour la station Luz-Ardiden, le 5 décembre pour Cauterets et le 6 décembre pour Peyragudes, Grand Tourmalet, Gourette et La Pierre Saint-Martin et Pic du Midi. Cet hiver encore, la carte No Souci Pyrénées donnera accès aux huit domaines skiables de N’Py mais aussi aux trois stations ariégeoises Ax 3 Domaines, Monts-d’Olmes et Guzet Neige et aux trois stations des Pyrénées-Orientales, Cambre d’Aze, Formiguères et Porté-Puymorens.

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Source : https://www.touleco.fr/Les-stations-de-ski-des-Pyrenees-francaises-changent-d-ere,48685