Urssaf Midi-Pyrénées : « Face à la fraude, nous travaillons davantage en réseau »

article diffusé le 14 décembre 2022

L’Urssaf Midi-Pyrénées, chargée de collecter les cotisations sociales auprès des entreprises, veut intensifier la lutte contre la fraude et le travail dissimulé. Jean Dokhelar, directeur de l’Urssaf Midi-Pyrénées, et Dominique Morisi, responsable régional de la lutte contre le travail dissimulé, nous détaillent les enjeux auxquels fait face l’administration.

Jean Dokhelar, pourquoi communiquer sur la fraude et le travail dissimulé ? Ces problèmes ont-ils empiré ?
Non. Nous souhaitons communiquer maintenant car, depuis mars 2020, début de la crise Covid, l’Urssaf accompagne les entreprises et les travailleurs indépendants dans une démarche de compréhension avec des reports de cotisation, des étalements de paiement. Nous avons adopté une approche conciliante pour les aider à passer ce cap difficile. En contrepartie, nous avons durci notre lutte contre la fraude et le travail dissimulé. Notre système de santé est fragile. Nous l’avons vu durant la crise sanitaire. Si nous voulons verser des prestations maladie ou retraite, il faut de la collecte. Nous voulons des entrepreneurs citoyens, qui jouent le jeu. Nous luttons plus fermement encore contre ceux qui mettent le système en péril.

Avec quels résultats dans le territoire de l’ancienne région Midi-Pyrénées ?
En 2021, en ex-Midi-Pyrénées, nous avons redressé pour 38 millions d’euros. En 2022, on sera dans le même ordre d’idée. Il y a cinq ans, nous étions à 17 millions d’euros. C’est une augmentation conséquente. Il n’y a pas plus de fraudes, nous sommes juste plus efficaces dans la recherche.
Le premier levier, c’est que nous y avons consacré plus de ressources. En Midi-Pyrénées, il y a aujourd’hui une centaine d’inspecteurs qui font du contrôle et il y a une brigade d’une vingtaine de personnes spécialisées dans le lutte contre le travail dissimulé. C’est l’équipe que pilote Dominique Morisi.

Dominique Morisi : Cette brigade a quelques années d’existence, nous sommes arrivés à une forme de maturité. Les méthodologies mises en œuvre sont plus perfectionnées, fines, adaptées aux techniques des fraudeurs.

Jean Dokhelar : Ce qui a nous permis de progresser, c’est aussi l’augmentation des partenariats. Nous avons des liens plus forts avec la police, la gendarmerie, le fisc. Nous travaillons davantage en réseau.

Il y a une volonté politique plus forte de l’État de lutter contre la fraude ?
J. D. : Clairement, et cela va s’accentuer encore, car c’est un fléau pour le système de santé mais aussi pour les droits des salariés. Le fait de ne pas être déclaré, cela finit souvent par se retourner contre les travailleurs. Et c’est aussi une concurrence déloyale pour les entreprises. Au bout d’un moment, certaines professions souhaitent plus de régulation, cela a été le cas par exemple dans le BTP. Il y a une volonté claire, dans ce sens, des syndicats de ces secteurs comme la Capeb ou la Fédération française du bâtiment. Le législateur nous donne aussi de nouveaux moyens juridiques comme “la solidarité financière”.

D. M. : Un donneur d’ordre qui n’a pas été vigilant, qui n’a pas vérifié que son sous-traitant ait les moyens d’être en règle avec la loi, peut être ainsi mis en cause au niveau civil et même pénal si on se rend compte que cela est fait sciemment. Et il est amené à payer les cotisations que son sous-traitant ne peut assurer. Le législateur nous permet aussi, désormais, de mettre en recouvrement les fraudeurs plus rapidement, dès la verbalisation .

Comment la fraude évolue-t-elle ?
J. D. : La tendance globale est à une amélioration de l’habillage de la fraude. Il y a une apparence de la légalité. On ne trouve pratiquement plus d’entreprises non immatriculées avec des salariés non declarés. Notre travail est donc plus complexe. L’exemple typique est la fraude à la prestation internationale ou au détachement. La grosse évolution, c’est aussi la micro-entreprise. En France, depuis quelques années, 80 % des créations d’entreprises se font sur le statut de micro-entrepreneurs.
Il faut aller les contrôler car on se rend compte qu’il y a pas mal de fraudes. Dans les agences immobilières, par exemple, beaucoup d’agents sont sous ce statut. Sur les contrôles que nous avons fait cette année, nous avons recensé 40 % de fraudes.

D. M. : Souvent, les micro-entrepreneurs sont des salariés déguisés.

L’Ursaff est poste d’observation idéal sur l’évolution de l’économie régionale. Comment vont le entreprises locales en cette fin 2022 ?

J. D. : À ce jour, nos données économiques sont plutôt positives. Nous sommes revenus à des niveau d’encaissements similaires à 2019. Les plans d’apurement accordés suite à la crise sanitaire sont respectés à 80 %. Dans certains secteurs, il y a davantage d’embauches qu’avant la crise Covid. Il y a même des hausses de salaires. Il y a toutefois quelques signaux d’alerte pour 2023, à cause de la crise énergétique ou des difficultés d’approvisionnement en matière première. Nous commençons à voir des travailleurs indépendants qui n’arrivent plus à régler leurs cotisations courantes. Ce qui nous mène à la prudence pour les mois qui viennent.

Les successions de crises transforment-t-elles l’Urssaf ?
J. D. :La crise sanitaire nous a aidés à progresser dans la compréhension des entreprises, à se montrer plus à l’écoute. Il faut accompagner davantage ceux qui le méritent, tout en étant plus durs avec ceux qui fraudent. C’est indispensable, car il y a de gros défis à venir, entre la pérennisation du système de santé, le développement encore accru du numérique et la transition écologique.
Propos recueillis par Matthias Hardoy

Sur les photos : Jean Dokhelar, directeur de l’Urssaf Midi-Pyrénées. // Dominique Morisi, responsable régional de la lutte contre le travail dissimulé. Crédit : Urssaf Midi-Pyrénées.

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Source : https://www.touleco.fr/Urssaf-Midi-Pyrenees-Face-a-la-fraude-nous-travaillons-davantage,36302