Le 30 juillet dernier, le groupe allemand Evotec annonçait avoir conclu un accord non contraignant avec le laboratoire Sandoz pour lui céder sa nouvelle usine toulousaine de biomédicaments. Baptisée Just-Evotec Biologics EU, cette unité de 15.000 m2 est la première réplique européenne de celle développée par Evotec à Seattle, aux États-Unis. Elle a été inaugurée en grande pompe sur le site de l’Oncopole il y a un an à peine, le 20 septembre 2024 (photo).
« Cette usine va révolutionner la fabrication des produits biologiques. (…) Il s’agit de l’usine la plus avancée et la plus durable d’Europe », avait déclaré ce jour-là le président d’Evotec Christian Wojczewki au sujet de ce site spécialisé dans les anticorps monoclonaux pour le traitement de maladies infectieuses comme le Covid-19, pour l’oncologie ou encore l’immuno-oncologie. Son point fort : une technologie brevetée reposant sur un process automatisé, à haut niveau de rendement et continu, soit 24h/24 pour atteindre un coût de revient de 50 dollars le gramme d’anticorps, 75 % plus bas que celui du marché.
Cette usine du futur devrait donc passer sous pavillon suisse d’ici la fin de l’année. Son unique client étant justement le géant de Bâle, on peut se demander si l’opération n’était pas prévue dès la pose de la première pierre. « Le site est personnalisé et entièrement dédié à Sandoz depuis juillet 2024 et cette transaction s’inscrit dans la continuité d’un partenariat déjà fructueux », a expliqué cet été Evotec dans un communiqué. Selon les termes de l’accord, le groupe suisse rachèterait l’usine toulousaine pour 300 millions de dollars, soit 257,5 millions d’euros. C’est à 23 millions près la somme qu’Evotec a mis sur la table – 280 millions d’euros au total – pour la construire en bénéficiant de 51 millions d’euros d’aides publiques.
Dans le cadre de France 2030, l’État lui a en effet accordé 43 millions d’euros en avances remboursables. La Région, de son côté, a financé son installation à hauteur de 6 millions d’euros, dont la moitié en subventions. Quant à la Métropole, son accompagnement a pris la forme d’un avantage fiscal sur le foncier de 2 millions d’euros. À ces aides directes s’ajoute le prêt de 150 millions d’euros accordé en février 2023 par la Banque européenne d’investissement (BEI).
« Scandale » ou opportunité ?
L’annonce d’un rachat du site par Sandoz a fait réagir Archipel Citoyen, mouvement politique et citoyen engagé dans la course aux municipales de 2026 à Toulouse. Pour ses membres, il s’agit bien d’un « scandale qui ne doit pas être étouffé par le jargon économique » et « la démonstration d’un système où l’argent public subventionne la plus-value privée ». « C’est l’histoire chronométrée et chiffrée d’une entreprise européenne qui a utilisé nos impôts pour construire un joyau industriel avant de le revendre au premier venu pour renflouer ses caisses », estime Archipel Citoyen.
Contacté par TouÉco, Evotec explique que « la décision d’envisager la vente du site est cohérente avec l’objectif commun d’Evotec et de Sandoz de garantir un pôle de bioproduction durable et compétitif à Toulouse ». Le groupe allemand précise que le site toulousain « a bénéficié du soutien de programmes d’innovation nationaux et régionaux lors de sa mise en place, conformément à l’ambition de la France de renforcer les capacités de bioproduction en Europe ». Il dit enfin que ce soutien implique « le respect des obligations de reporting requises », en d’autres termes des échanges suivis et réguliers avec l’État et les collectivités…
Quant aux raisons de la vente, elles sont clairement financières. Evotec, qui enregistre depuis plusieurs mois une perte d’activité avec un chiffre d’affaires de 371,2 millions d’euros au premier semestre, en recul de 5 % par rapport à 2024, indique dans son communiqué que le but de l’opération est « d’améliorer immédiatement (ses) perspectives à court, moyen et long termes », et de parvenir à un « modèle économique allégé en actifs ». En plus des 300 millions de dollars attendus dans le cadre du rachat, Evotec évoque aussi des « contreparties technologiques », des revenus sur des développements futurs et des « redevances sur les produits » liées à ses brevets.
« Evotec ne s’en va pas »
De son côté, Agnès Plagneux-Bertrand, vice-présidente de Toulouse Métropole, chargée de l’industrie et de l’économie productive, voit ce possible rachat de l’usine par Sandoz comme « une chose positive ». « L’usine tourne actuellement à 100 % pour Sandoz, un rachat serait en quelque sorte la reconnaissance d’un état de fait. Ce serait un premier pas. D’après ce qu’on a pu comprendre, Sandoz ne serait pas opposé à une extension du site. Tout porte à croire qu’il pourrait même le développer. Ce serait tout bénéfice pour nous », indique l’élue. « Evotec ne s’en va pas. La société va se recentrer sur son cœur de métier, la recherche. En cas de rachat, elle garde ses brevets et conserve son savoir-faire sur le process industriel et sur les formulations », ajoute Agnès Plagneux-Bertrand.
D’après les informations données par Evotec, la finalisation de l’accord avec Sandoz pourrait intervenir dans le courant du quatrième trimestre, une fois finalisée l’étape d’information et de consultation des salariés. Difficile de savoir en revanche si le lancement de la production de biomédicaments, annoncé pour le second semestre 2025, a eu lieu ou non. Le groupe allemand précise seulement que « le recrutement se poursuit activement » sur son site toulousain. Au moment de l’inauguration de l’usine, celle-ci employait quelque 120 personnes, l’objectif affiché par Evotec étant de parvenir à 200 emplois à terme.
Johanna Decorse
Sur la photo : Christian Wojczewski, le président d’Evotec, Linda Zuckerman, responsable mondiale des biothérapies chez Just-Evotec Biologics, et les élus locaux lors de l’inauguration le 20 septembre 2024, à Toulouse, de la nouvelle usine de biomédicaments du groupe allemand. Crédit : J. D.-ToulÉco.