« Il existe plus de statistiques sur la santé des baleines bleues que sur celle des entrepreneurs », estimait en 2020 avec humour le chercheur Olivier Torrès, enseignant-chercheur à l’Université de Montpellier et à la Montpellier Business School, fondateur de l’Observatoire Amarok. En cinq ans, les choses ont un peu changé. Le sujet est cependant plus présent dans les médias, y compris dans nos colonnes. Et le groupe d’assurance mutuelle MMA et la banque publique d’investissement Bpifrance ont récemment communiqué sur leur dernière enquête [1] sur cette thématique qui est d’une très grande importance, en particulier pour les PME. « Dans les grands groupes, les dirigeants sont remplacés très rapidement en cas de problème de santé, mais dans les petites et moyennes entreprises, la santé du chef d’entreprise, c’est le premier capital immatériel », juge le chercheur.
L’enquête montre que la santé des cheffes et chefs d’entreprise, dans une conjoncture économique, politique et social complexe, n’est pas tellement au beau fixe. « Alors qu’ils font preuve d’une force de résilience absolument remarquable depuis la Covid, les femmes et hommes dirigeants d’Occitanie montrent de premiers signes d’essoufflement. Un chiffre nous met particulièrement en alerte car il dit beaucoup de la relation des dirigeants à leurs problématiques de santé : 21 % des dirigeants occitans disent souffrir ou avoir souffert d’une addiction et la majorité ne sont pas aidés. Un enseignement clé que nous devons intégrer aux actions de sensibilisation que nous menons tout au long de l’année », résume Sylvie Bonello, déléguée générale de la Fondation MMA Entrepreneurs du Futur, à l’origine de l’enquête statistique.
Des troubles de en plus avoués mais mal soignés
78 % des dirigeants en Occitanie disent souffrir de troubles physiques et/ou psychologiques. Dans le détail, les souffrances qui touchent le plus grand nombre de dirigeants sont : le mal de dos (51 %), les troubles du sommeil (47 %), suivis de près par les douleurs articulaires (45 %) et les troubles anxieux (43 %). Et ils ne prennent malheureusement pas assez le temps de voir un professionnel de santé. Un dirigeant sur dix ne verrait jamais de médecin et un sur trois dit avoir dû renoncer à consulter dans l’année.
Si les dirigeants s’épanchent plus facilement sur leur relation avec l’alcool (49 % déclarent consommer de l’alcool au minimum une fois par mois), seuls 2 % révèlent consommer des drogues illégales, et 3 % prendre des médicaments contre la dépression et l’anxiété. Sur ceux reconnaissant être atteints d’une addiction, une grande majorité (66 %) n’aurait pas souhaité se faire aider. Parmi celles et ceux qui auraient souhaité être aidés, 36 % seulement se seraient orientés vers un professionnel de santé.
Une prévention auprès des dirigeants encore à développer
Face à cette situation préoccupante, MMA, Bpifrance et l’observatoire Amarok veulent encore davantage miser sur la prévention. La banque publique d’investissement organise, par exemple, de plus en plus de rencontres et webinaires sur le sujet avec des témoignages de plus en plus nombreux. De son côté, MMA a lancé des programmes spécifiques comme l’initiative en ligne « La santé, c’est aussi au travail ! », série de vidéos pédagogiques sur divers volets de la santé mentale (sommeil, fatigue, santé mentale, vulnérabilité, etc.) pour mieux traiter dès les premiers signaux d’alerte. Enfin, Amarok propose un outil numérique prédictif, « Amarok e-santé », destiné aux travailleurs indépendants. Un questionnaire complet qui peut aboutir à un premier rendez-vous téléphonique avec un psychologue si le test révèle des risques psychologiques importants pour l’entrepreneur.
Matthias Hardoy
Photo d’illustration : Rawpixel-com.
À noter, sur le sujet de la santé mentale des dirigeants, l’action forte de l’association 60.000 rebonds qui aide tout particulièrement les dirigeants à rebondir au mieux après la perte de leur entreprise, qui impacte leur santé mentale et physique.
Notes
[1] Étude réalisée par Occurrence pour la Fondation MMA des Entrepreneurs du Futur et Bpifrance le Lab auprès d’un échantillon de 1515 chefs d’entreprises, directeurs, gérants de TPE, PME et ETI (1 à 4999 salariés) et membres de CODIR/COMEX d’ETI, dont 156 en Occitanie. L’échantillon a été interrogé du 7 avril au 12 mai 2025 par téléphone. La représentativité de l’échantillon est assurée sur la base de quotas représentatifs des entreprises de plus d’un salarié en termes de secteur, taille, dispersion géographique.