Christophe Ratz n’a rien oublié de ses débuts de chef d’entreprise. C’était il y a vingt-deux ans, après avoir obtenu son diplôme d’ingénieur en génie biochimique à l’Insa de Toulouse et s’être formé en Belgique et en Angleterre. En 2001, ce fils et petit-fils d’agriculteurs est alors le premier à relancer la bière artisanale dans le Lot, en plein territoire du malbec. « Les banquiers me demandaient pourquoi je n’avais pas choisi le vin ou le foie gras. Les cavistes me disaient que mes produits ne se vendraient pas bien chez eux. D’autres trouvaient ma bière trop trouble. Je leur répondais que c’est le propre d’une bière naturelle, non filtrée et non pasteurisée. Il a fallu faire beaucoup de pédagogie et l’on continue », raconte Christophe Ratz.
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Au fil des années, ce passionné de rugby, qui a joué troisième ligne durant dix ans à Cahors puis à Luzech, a progressé et, mètre après mètre, a donné tort aux sceptiques. Son nom, transmis par son grand-père paternel suisse-allemand qui a émigré dans le Lot durant l’entre-deux-guerres, est devenu celui d’une bière déclinée dans une vingtaine de recettes, quatorze fois médaillée au concours général agricole. Chaque année, l’entreprise de vingt-deux salariés produit quelque 16.000 hectolitres, en fûts ou en bouteilles – environ 2 millions par an – pour un chiffre d’affaires qui approche les 5 millions d’euros.
La carte locale
Installée au départ à Arcambal, la brasserie Ratz a acheté en 2011 un terrain de 10.000 m2 dans le parc d’activités de Cahors-Sud pour y construire son siège social et son usine de production. Depuis le Lot, la PME a progressivement élargi son territoire vers Montauban puis Toulouse, qui représente aujourd’hui 30 % de ses ventes et où elle a ouvert un dépôt logistique en septembre dernier pour servir sa clientèle locale. La proximité, sur le terrain sportif comme professionnel, c’est la carte que continue de jouer Christophe Ratz. « Nous avons ouvert cette plateforme à Toulouse pour faire baisser nos coûts logistiques et réduire notre bilan carbone. Nous attendons la livraison de notre premier véhicule électrique. Dans la même logique, nous achetons nos fûts inox en Europe alors que beaucoup de nos concurrents les font venir de Chine. Pour la matière première, le malt et le houblon, nous ne pouvons pas encore nous approvisionner auprès de la filière locale qui se met en place car la production reste encore insuffisante. Nous nous fournissons chez la Malterie d’Issoudun, dans l’Indre, la plus proche de chez nous », explique le brasseur lotois.
Nouveaux investissements
Après une période difficile liée à la crise sanitaire, qui a généré pour l’entreprise une baisse d’activité de 30 %, la brasserie Ratz est sur le point d’engager de nouveaux investissements pour un montant d’environ 3 millions d’euros. Son premier projet concerne son outil industriel et l’optimisation de la chaîne de soutirage pour la mise en fûts et en bouteilles. Elle prévoit aussi l’installation de panneaux photovoltaïques sur son terrain de Fontanes afin d’assurer son indépendance énergétique. Pour Christophe Ratz, qui a décidé d’investir tous les canaux de distribution, CHR, cavistes et grandes surfaces, une autre priorité reste toujours de convaincre davantage de professionnels de la restauration. « Il faut encore faire progresser les mentalités pour qu’ils comprennent l’intérêt de proposer des bières artisanales locales. C’est vraiment là que se situe notre marge de progression. »
Johanna Decorse
Sur la photo : Céline le Moigne, responsable administrative et commerciale et Christophe Ratz, fondateur de la société Ratz. La brasserie artisanale a sorti en février deux nouvelles bières aux couleurs du XV de France à l’occasion du Tournoi des 6 nations 2023 et de la prochaine Coupe du monde de rugby. Crédit : Rémy Gabalda - ToulÉco.