Pour ne rien vous cacher, nous avions prévu de vous raconter le mouvement depuis le site toulousain d’Enedis, bloqué par les électriciens et gaziers de la métropole opposés à la réforme des retraites. Mais l’autoroute A20, en partie stoppée dès potron-minet, a eu raison de nos plans initiaux. Et c’était loin d’être le seul point de blocage. Aux Argoulets, au Grand Rond, à l’échangeur du Palays, aux abords du Carrefour Purpan à Toulouse ou encore à proximité du site de Météo France, les blocages se sont succédé au fil de la matinée dans l’agglomération.
Dans la Ville rose, les points de ralliement étaient par ailleurs nombreux dès la matinée. Les employés des musées de Toulouse s’étaient, par exemple, donnés rendez-vous devant l’entrée du Jardin des Plantes. Aux alentours de dix heures, ils étaient une dizaine de personnes, rejointes peu à peu par d’autres agents, comme ceux travaillant pour les jardins de l’Université de Toulouse. Sur une table, flyers, affiches et stickers contre la réforme étaient disposés. Olivier et Marie-Josée prennent le temps de dialoguer pour convaincre, tout sourire, des passants intrigués par ce petit attroupement.
Un peu plus loin, à la sortie du métro Palais de Justice, une petite foule, essentiellement masculine, le visage fermé, vêtue de vêtements sombres, patiente autour d’une grande banderole. C’est la confédération nationale du travail (CNT), syndicat anarchiste, qui commence à réunir ses troupes. À dix heures, ils étaient déjà une bonne quarantaine.
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À 12h30, Cédric Caubère, le secrétaire général de la CGT Haute-Garonne nous dresse un premier bilan. « Dans quasiment toutes les boîtes, il se passe quelque chose. Il y a de forts taux de grève partout. Cela va d’un service fermé à des usines complétement à l’arrêt, comme c’est le cas de Fibre Excellence à Saint-Gaudens, ou de BASF à Boussens. Et sans être stoppée, la production de beaucoup d’autres entreprises est fortement perturbée. Cette journée s’annonce au niveau de ce que nous espérions », se félicite le syndicaliste.
Quelques minutes plus tard, Rodolphe Robert, représentant CGT de l’aéroport Toulouse-Blagnac, nous raconte par téléphone la mobilisation de la matinée au sein de la plateforme aéroportuaire : « Nous étions une centaine de personnes de la plateforme mobilisées, venant d’une quinzaine d’entreprises. Nous n’avons pas bloqué l’aéroport, mais nous avons organisé un défilé qui est passé au rez-de-chaussée et sur la partie extérieure, jusqu’à la zone du viaduc. Le député de la circonscription Hadrien Clouet (LFI-Nupes) était avec nous. Nous avons été rejoints par des équipes d’Orange qui travaillent à côté. Et maintenant, nous allons vers Toulouse pour la manif intersyndicale de cet après-midi 15 heures », détaille avec précision Rodolphe Robert.
La grève reconductible dans les esprits
À 14h30, une pluie fine mais continue glace quelque peu les premiers manifestants réunis à Saint-Cyprien. Jean-Jacques et Isabelle sont reconnaissables à leurs gilets oranges de la CFDT. « Nous espérons qu’il y aura du monde malgré ce temps. Au niveau de ma société, nous sommes nombreux à nous mobiliser. Je travaille chez Spie et on est très remonté, car le gouvernement ne parle pas assez de la pénibilité dans notre secteur des travaux publics », déplore Jean-Jacques. « Nous sommes pour des grèves reconductibles. On espère que c’est ce qui va sortir de la réunion intersyndicale de ce soir », poursuit-il. « Nous nous sommes mobilisés depuis le premier jour et on va continuer », assure avec détermination, Isabelle, sa collègue de la CFDT.
Un quart d’heure avant le début officiel du défilé, les manifestants sont de plus en plus nombreux. On croise Gaël Laurent, secrétaire général commerce à FO 31, déterminé lui aussi malgré le mauvais temps : « Je sens que ce mardi d’action est très mobilisateur. Les Français en ont ras-le bol. Cela fait des années qu’ils n’ont pas eu d’augmentations de salaires significatives. Cette réforme des retraites est de trop. Les Français se battent pour revenir à une vie décente, que nous avons perdue. Mettre l’économie à l’arrêt, cela peut apparaître comme quelque chose de négatif pour certaines personnes, mais nous sommes obligés de passer par là, car nous ne sommes pas entendus », considère le membre de Force Ouvrière, désormais auto-entrepeneur. Il reconnaît cependant que « c’est plus difficile de mobiliser dans le commerce que dans la métallurgie ou à Airbus ».
Quelques minutes plus tard, un peu avant 15 heures, début officiel de la manifestation, on aperçoit Isabelle, syndicaliste Sud-Solidaires chez Vitesco Technologie, sortir de son sac un petit drapeau. Elle a le sourire, malgré le froid qui colle de plus en plus à la peau. « Je suis étonnée de voir autant de monde sous la pluie, avec notamment pas mal de retraités. Dans mon entreprise, il y a un frein à la mobilisation avec le télétravail. Les gens se voient de moins en moins. Ils se mobilisent donc de plus en plus à titre individuel. Nous partons un peu en ordre dispersé », constate Isabelle qui exprime une crainte pour la suite de la mobilisation contre les retraites. « Au rythme d’une manifestation dans la semaine, les gens pouvaient participer assez facilement. J’ai peur qu’avec la grève reconductible, ce soit plus difficile... »
Matthias Hardoy
Sur la photo : Entre 27.000 (selon la police) et 120.000 (selon l’intersyndicale) personnes ont manifesté mardi 7 après-midi à Toulouse sous un temps pluvieux. Crédit : Rémy Gabalda - ToulÉco.