En 2018, Cinthia Born, couturière de formation, et Élodie Madebos, costumière, font le pari un peu fou de créer des sacs isothermes durables à partir de matières naturelles et en premier lieu de laine de brebis caussenarde du Lot. Leur marque, lancée un an plus tard par l’entreprise éponyme, Le Mouton Givré, trouve rapidement son public et ne cesse d’innover pour répondre à plusieurs usages et valoriser une ressource locale et abondante. Toutes ses créations, déclinées en format lunch bag, sac cabas, housse de bouteille ou sac à dos, sont confectionnées en feutre de laine pour l’intérieur, en toile de lin français pour le revêtement extérieur et en chanvre pour les sangles et les biais. Cinq salariées, dont quatre couturières, font tourner l’atelier installé dans la pépinière d’entreprises Caltatech, à Cambes, près de Figeac, et produisent 700 pièces par mois.
En 2023, le Mouton Givré enregistre une année record avec un chiffre d’affaires de 700.000 euros, réalisé en grande partie grâce à la commande de 24.000 sacs de la Maison Thiriet, le géant vosgien du surgelé, qui est aussi entré au capital de l’entreprise. Après ce bond d’activité historique, les difficultés d’approvisionnement et la baisse de commandes de 70 % en 2024 inquiètent sérieusement les deux fondatrices du Mouton Givré. « Nous attendions un chiffre d’affaires de 500.000 euros mais nous n’avons pas dépassé les 170.000 euros. L’an dernier à la même époque, nous pensions devoir fermer mais nous avons décidé de tenir bon et de compter sur le coup de projecteur qu’allait nous apporter l’émission Échappées Belles et un reportage dans Des Racines. En trois mois, entre janvier et mars 2025, nous avons réalisé le volume d’activité de 2024 », explique Cinthia Born.
Du sac à l’isolation
Cette mise en lumière médiatique a redonné de l’air à l’équipe du Mouton Givré, qui affiche aujourd’hui un carnet de commandes rempli. Mais, bien consciente de la saisonnalité de son produit phare, le sac isotherme, elle a entrepris cette année un saut de côté en se diversifiant. La TPE lotoise va investir le champ de l’écoconstruction et a prévu, dès le printemps prochain, de commercialiser un isolant thermique en laine de brebis pour l’habitat.
Dans l’attente de la certification européenne Atex, qui va lui permettre de s’adresser aux artisans, Le Mouton Givré cible dans un premier temps les particuliers pour de l’auto-construction ou de l’aménagement de vans « C’est un marché de niche mais nous avons déjà de la demande. Nous devons encore réfléchir au conditionnement, au transport et à nos tarifs. L’isolation va nous assurer une rentrée d’argent sans impliquer plus de travail pour l’atelier, simplement de la logistique. Le gros de l’investissement, 70.000 euros, est lié aux tests de normalisation pour le label Atex », précise Cinthia Born.
Les fondatrices du Mouton Givré, qui vont elles-même trier et mettre en ballot leur matière première sur des chantiers de tonte et récupèrent auprès de six éleveurs de brebis caussenarde quatre tonnes de laine chaque année, devront sans doute élargir leur collecte. Une fois récoltée, la laine prévue pour l’isolation passera entre les mains de la filature Colbert, dans l’Aveyron, pour subir un traitement anti-mites.
En parallèle, Le Mouton Givré poursuit un deuxième axe de diversification autour des arts de la table et de « l’aménagement confort ». Cinthia Born et Élodie Madebos travaillent notamment sur un pouf design dans lequel la laine viendra remplacer les classiques billes de polystyrène. « Notre objectif est de valoriser toujours davantage la laine locale mais sans aller sur le textile et la literie. D’autres, comme Laine Paysanne ou La Caussenarde, font cela très bien, nous n’allons pas prendre leur marché. Nous ciblons des produits pollueurs et à la durée de vie courte, pour lesquels il n’existe pas encore d’alternative et nous apportons une solution naturelle. »
Johanna Decorse
Sur les photos : Depuis le début de sa production, en octobre 2019, Le Mouton Givré, fondé par Cinthia Born et Élodie Madebos, a vendu plus de 54.000 sacs isothermes. Crédit : Nadia Mauléon - LMG.